Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
découragement après ses critiques, sévères sans doute, mais formulées sans restriction dans son intérêt même, et dictées par une sympathie que tant de raisons lui commandaient.
Ces vétilles et ces chicanes, qui firent sourire, à l'époque, ceux qui en connaissaient les motifs, témoignaient d'une rancune toujours vivace.
Pourtant, malgré tout l'empire de Mme de Genlis sur son amant, Mme Des Roys continua ses fonctions jusqu'en octobre 1778, grâce à l'appui de la duchesse de Chartres, à laquelle elle voua, en cette circonstance, un dévouement éternel ; elle abandonna même le Palais-Royal sur un nouveau triomphe : le gouverneur qui la remplaça auprès des princes devenus grands fut proposé par elle ; c'était le chevalier de Bonnard, son ami personnel, et qu'elle avait connu chez Buffon. Le frivole Bonnard, il est vrai, n'avait rien d'un éducateur, mais il valait au moins Mme de Genlis, qui le remplaça officiellement trois ans plus tard. Ainsi, Mme Des Roys sortait victorieuse de cette lutte avec la favorite ; bien mieux, la duchesse voulant lui prouver sa reconnaissance l'admit dans sa maison particulière et lui confia l'éducation de sa fille la princesse Adélaïde.
Tandis que sa femme se tirait avec dignité de ces intrigues assez difficiles, Jean-Louis Des Roys, de son côte, avait su gagner la confiance et l'estime du duc d'Orléans en menant à bien un certain nombre d'opérations juridiques et financières de la plus haute importance pour son maître. À ses fonctions d'intendant des finances, il joignit l'administration des terres de la Fère, Albert et Carignan ; en 1774, il avait préparé le règlement des droits, de la duchesse de Bourbon, belle-fille du prince de Condé, dans la succession de la duchesse d'Orléans, sa mère ; en 1781, il reprit les négociations de l'affaire des princes de Chimay, qui traînaient depuis un siècle et, après plusieurs voyages en Belgique, il obtint la conclusion d'un traité qui assurait la pairie d'Avesne à la maison d'Orléans.
En 1785, M. et Mme Des Roys demandèrent leur retraite qui leur fut accordée ; mais pour marquer la satisfaction qu'il avait des services de l'intendant de son père, le duc de Chartres lui conserva à titre de pension l'intégrité de son traitement, et le pria d'accepter d'être commissaire à la liquidation du duc d'Orléans qui venait de mourir, ce que Jean-Louis Des Roys ne put refuser.
Il se retira alors dans sa propriété de Rieux [Dans la Marne, à quelques kilomètres de Montmirail. Jean-Louis l'avait acquise du chevalier de Belle-Joyeuse. C'était alors un bâtiment très simple, ayant successivement appartenu aux familles de Pastoret, de Disques et de Boubers, et qu'il fit démolir pour le remplacer par un château plus vaste. (Cf. Alexandre Carra de Vaux, op. cit.)], qu'il avait acquise en 1776, et où, ayant obtenu la création d'une pépinière royale, il se consacra entièrement à l'agriculture. Il y vit philosophiquement commencer la Révolution, sans être jamais inquiété malgré un passé qui pourtant aurait dû le rendre suspect ; quelques lettres de lui écrites à son frère de 1793 à 1795 nous le montrent parfaitement tranquille sur son sort, une entre autres, écrite de Paris le 26 mars 1793, où on lit [Les lettres qui suivent sont citées d'après l'Investigateur, où elles ont paru pour la première fois.] :
Je suis las, rebuté, et très impatient d'être rendu à ma nullité champêtre ; ce n'est pas que je ne m'attende à trouver là de nouveaux ennuis ; et quel est le lieu ou la position dans laquelle un français puisse aujourd'hui vivre dans le calme ? le désir du sage doit se borner à exister hors des foyers de l'orage et à s'estimer heureux de ressentir que les battements des vagues amorties... Les bruits du moment sont que les révoltes et attroupements armés des environs de Nantes et autres parties de la Bretagne ont été dissipés avec grand carnage. Les armées du Rhin, de la Meuse, de l'Escaut se soutiennent aussi, dit-on, et disputent le terrain aux ennemis du dehors. Dieu veuille enfin nous donner la paix, la santé et l'ordre ; quand ces biens seront rendus à la France, il faudra encore bien des années pour qu'elle recouvre l'embonpoint que cette fièvre dévore. Si je ne voyais que moi dans l'orage je serais peu peiné : je serais même assez philosophe pour observer sans inquiétude les agitations des hommes ; mais mes enfants, mes parents, mon
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