Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
vrai, car trois mois plus tard il était de retour et se constituait prisonnier ne voulant sans doute pas abandonner son père et ses frères que sa fuite avait fait arrêter.
Par la suite, la Terreur et l'Empire l'abattirent sans le convaincre et jusqu'au bout il demeura fidèle à la légitimité. Lamartine a raconté qu'en 1805, lors du passage de Napoléon à Mâcon, celui-ci aurait fait appeler François-Louis pour lui offrir un siège de sénateur ; mais Mme de Lamartine n'a rien noté de tel dans son journal où ce séjour de l'Empereur est pourtant longuement rapporté, ce qu'elle n'eût pas manqué de faire si l'entrevue avait eu lieu.
À soixante dix-sept ans, une fluxion de poitrine emporta François-Louis en quelques jours. Sa mort fit un véritable vide dans la petite société mâconnaise qui l'aimait et le respectait pour la droiture de sa vie et son érudition «presque universelle», dira sa belle-sœur ; il laissait à tous le souvenir d'une intelligence remarquable et d'un causeur parfait, à qui l'on pardonnait son abord un peu farouche en mémoire d'une vie prématurément brisée. Il mourut à Montceau le 25 avril 1827, et par son testament il instituait comme ses légataires universels, sa nièce aînée Cécile, devenue Mme de Cessia, et son neveu Alphonse dont les triomphes poétiques et surtout les fonctions d'attaché d'ambassade qu'il occupait alors avaient fini par lui rendre confiance. Celui-ci, pourtant, ne se jugea pas satisfait, et fut même blessé par une clause de ces dernières volontés pourtant toutes en sa faveur ; le 20 juin, il écrivait à l'abbé Dumont, son ami : «Le testament de mon oncle n'est pas sa plus belle œuvre, mais j'aime toujours à croire qu'elle n'a pas été faite à mauvaise intention.
Si je n'avais qu'un neveu, seul chef survivant de ma famille, et qu'il ne déshonorât pas mon nom, je lui ferais l'honneur de le nommer au moins mon héritier universel à ses risques et périls. Trop penser nuit, les grandes routes sont les plus droites[71]». Ce fut là toute l'oraison funèbre qu'il prononça sur la tombe de cet oncle qu'il s'imaginait, sincèrement, avoir opprimé sa jeunesse.
Le cadet, l'abbé de Lamartine, était son vivant contraste. À dix-sept ans il était entré dans les ordres, un peu contre son gré, assure sa belle-sœur. Bientôt il prit goût pourtant à cette vie facile et sans soucis graves ; cinq années de dures épreuves qu'il eut à subir de 1792 à 1797, lui donnèrent une souriante philosophie. En sage qu'il était, il se réfugia aussitôt dans sa belle retraite de Montculot, où il vécut paisiblement et loin des siens, parmi la nature qu'il aimait. Il demeura là jusqu'à sa mort avec une vieille intendante, travaillant en silence à de longs mémoires sur la théologie et la philosophie qui ne virent jamais le jour.
Dans sa vieillesse, il aimait à voir sa solitude animée par les vingt ans et la vivacité de son neveu, qu'il accueillit toujours avec bonté ; Lamartine l'adorait, et chaque fois qu'il avait quelque dette à éteindre ou une petite fredaine à faire oublier, c'était à lui qu'il venait s'adresser. Montculot fut le refuge, «la Thébaïde», comme il l'appelait, de son adolescence. Il y fuyait l'oncle de Montceau et la contrainte de Milly ; c'était la transition habituelle entre les plaisirs de Paris et la tristesse de sa campagne, et il y trouvait la paix et le recueillement sous les deux formes qu'il aimait le mieux : la nature et les livres ; l'abbé avait réuni une admirable et riche bibliothèque où le neveu pouvait puiser sans contrôle, ce qui n'allait pas sans le changer un peu des habitudes de Mâcon et de Milly où sa mère se montrait très sévère.
Lamartine, en mémoire des heures libres qu'il passa près de lui, en a laissé un portrait charmant : il aimait la bonhomie souriante de l'aimable vieillard demeuré toujours un peu frondeur, ce qui faisait dire ingénument à sa belle sœur : «L'abbé est très mal ! pourvu, mon Dieu, qu'il pense à se confesser !» Une vieillesse accablée de cruelles infirmités n'altéra en rien sa belle humeur ; frappé le 10 septembre 1817 d'une attaque d'apoplexie qui lui paralysa un bras et une jambe, il mourut à Montculot le 8 avril 1826, en brave homme qu'il avait toujours été, laissant sa fortune à son neveu préféré. Seul de tous les Lamartine, il avait compris la nature inquiète de l'adolescent et deviné l'immense travail de ce jeune
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