Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
journal de sa sœur il apparaît comme un vieillard énergique mais redoutable, despotique, rigide, aigri par ses infirmités et sa vie manquée : «Toute sa vie, écrira Mme de Lamartine au lendemain de la mort de son beau-frère, il avait conservé l'influence d'un chef de famille, et rien ne s'était jamais décidé dans la mienne que par lui ou d'après lui ; souvent cet empire avait contrarié nos vues et m'avait causé des peines sensibles». Ceci confirme entièrement ce que Lamartine a écrit dans les Confidences.
Lorsqu'il lui fallut à vingt-cinq ans renoncer à la carrière militaire et à l'espoir de fonder à son tour une famille, François-Louis se confina entièrement dans le monde de la pensée, afin d'occuper un peu son activité. Esprit méthodique et précis, les sciences eurent ses préférences : les mathématiques furent pour lui un véritable délassement, et il faut voir là l'origine de tous les froissements que nous constaterons plus tard entre l'oncle et le neveu.
La liste de ses œuvres en dit long ; l'Académie de Mâcon, dont il fut dès 1806 un des membres les plus assidus, a recueilli dans ses bulletins annuels une cinquantaine de mémoires sur les sciences et l'agriculture dont il est l'auteur. On y remarque un Examen du gleuco-œnomètre, une Dissertation sur une substance résineuse trouvée à Louhans, un Traité de l'oryctologie du Mâconnais, dont le manuscrit subsiste encore à la bibliothèque de Mâcon, et d'importantes et minutieuses Recherches sur les causes qui modifient ou altèrent la cohésion entre les parties de quelques substances, sans compter d'innombrables communications sur la viticulture et l'élevage.
À sa mort, le Journal de Saône-et-Loire publia un long article nécrologique auquel il est permis d'accorder quelque valeur, puisque nous savons qu'il ne fut pas inspiré par sa famille [Journal de Saône-et-Loire du 4 mai 1827. Cet article, rédigé par Alexis Mottin, secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, ne satisfit qu'à moitié Pierre de Lamartine qui y répondit par la lettre suivante, insérée dans le numéro du 7 mai :
«Monsieur, je commence par rendre grâce à l'estimable auteur de l'article nécrologique inséré dans votre précédent numéro. Je serai désespéré que ma juste réclamation put l'affliger, mais je crois le devoir à la mémoire de mon frère. Sans doute, si votre journal n'était lu qu'à Mâcon, où M. de Lamartine était si parfaitement connu, il eût été peut-être superflu de dire un mot sur ses sentiments religieux : nul ne peut les y mettre en doute. Mais comme la sphère de votre estimable journal ne se borne pas à cette ville, je désire que partout où elle s'étend on sache que mon frère mettait fort au-dessus de toutes les connaissances humaines celle de la religion, et que, jusqu'au dernier instant de sa vie, il en a constamment rempli les devoirs avec zèle et la plus sincère conviction.—LAMARTINE.»], et dont le fragment suivant nous donne un portrait assez vivant de celui que Lamartine appelait «l'oncle terrible» :
«Animé d'un zèle ardent pour l'étude, M. de Lamartine s'était consacré dès sa jeunesse au culte des sciences et des lettres, mais il avait montré une prédilection particulière pour les sciences naturelles et les mathématiques. Uni par les liens de l'amitié et d'une estime mutuelle avec le savant abbé de Sigorgne [Pierre Sigorgne (1719-1809), vicaire général de Mâcon, puis archidiacre et doyen du chapitre de Saint-Vincent, auteur de plusieurs volumes de philosophie. On a de lui : Institutions newtonniennes (1747) ; Lettres écrites de la plaine (1765), où il réfute les Lettres de la montagne de Rousseau ; Institutions leibnitziennes (1768) ; le Philosophe chrétien (1776), etc.
Cf. Abbé Rameau, Notice sur l'abbé Sigorgne (Mâcon, 1895, in-8).], en relations avec plusieurs autres hommes célèbres de son temps, il trouva ses plus chères délices à parcourir le vaste champ du découvertes que lui présentait la science.
«Doué d'une imagination vive, brillante, et de cette fermeté de caractère qui triomphe des difficultés, aidé d'une mémoire facile qui lui rendait toujours présentes les connaissances solides qu'il avait acquises, il ne lui eut fallu qu'un peu moins de modestie pour se faire un nom très recommandable parmi les savants. Mais, loin de faire parade de son savoir, il le faisait servir à donner plus de charme à sa conversation, vive,
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