Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
piquante, et constamment assaisonnée de cette douce urbanité qui donne à la société tant de charmes.
«Sujet fidèle et attaché sincèrement au bien de son pays, on l'a vu, pendant le cours des troubles civils qui ont désolé notre patrie, toujours dévoué à la cause de la légitimité et de ne pas perdre de vue un seul instant les principes sur lesquels reposent l'ordre social et la prospérité de la France.»
Ainsi lorsque après un romantique parallèle de leurs deux caractères, Lamartine s'écriait :
«Comment unir ce nombre et cette flamme», il n'exagérait pas les contrastes de ces natures dissemblables qui ne parvinrent jamais à trouver un terrain d'entente.
À toutes ses qualités de méthode il joignait celle d'être un homme d'affaires entendu, comme le furent tous les Lamartine, sauf toutefois le dernier du nom qui sur ce point se trouvait desservi par son imagination. Le souci de son bien s'affirme dans les moindres lettres que nous ayons rencontrées de lui : très processif, il n'hésitait pas, dès qu'il croyait y avoir quelque intérêt, à soutenir ses revendications par de longs factums écrits avec amour.
Sa correspondance avec ses vignerons est curieuse à feuilleter : une fois de plus, elle confirme son esprit précis et méticuleux.
Lamartine ne l'aimait pas et cette antipathie se manifesta chaque fois qu'il avait à parler de lui. Cet oncle fut l'épouvantail de sa jeunesse, celui à qui, bien plus qu'au père toujours indulgent, il fallait cacher les fredaines, les menues dettes et les aventures : intransigeant, sévère et glacé, presque sans tendresse, il ne tolérait pas autour de lui la moindre infraction aux principes dans lesquels il avait été élevé et qu'il prétendait immuables.
La plupart du temps il contrecarrait opiniâtrement et avec sa méthode habituelle les beaux projets de son neveu dont il voulait ainsi maîtriser la débordante imagination ; aux rêves vagues mais fiévreux d'étude et de littérature il opposera froidement les sciences qui, selon lui, donneront quelque maturité à ce cerveau vagabond.
Pour comprendre cette domination qu'il imposera jusqu'à sa mort, il ne faut pas oublier la situation particulière du jeune homme dans ce milieu imbu des traditions du sévère xviiie siècle : l'oncle ne verra en lui que l'unique héritier du nom et de la fortune et voudra, avant tout, le mûrir pour en faire le chef de famille avisé et prudent que chacun de ses ancêtres avait été avant lui. Tout le malentendu naîtra de là.
Dans le portrait de son oncle, Lamartine a pourtant commis une erreur lorsqu'il touche à ses idées politiques [Bien qu'inexactes, les idées politiques que Lamartine a prêtées à son oncle sont curieuses, parce qu'elles correspondent très exactement à son propre programme sous les dernières années de la monarchie de Juillet.] ; mais est-elle involontaire ? Les Confidences furent écrites, on le sait, en pleine activité républicaine, à une époque où le chef de l'opposition n'était peut-être pas fâché de se découvrir des origines libérales.
La vérité est que, dès le début de la Révolution, François-Louis, que son neveu nous a montré condisciple et ami de Lafayette, n'eut même pas ce républicanisme de la première heure que connurent tant de gentilshommes séduits pas les idées nouvelles. Alors que dans une minute d'enthousiasme son frère Pierre signait avec le comte de Montrevel, le grand bailli d'épée Desbois, le marquis de Sainte-Huruge et d'autres seigneurs du Mâconnais la solennelle renonciation aux privilèges nobiliaires, lui, plus froid et plus raisonné, ne fut pas entraîné par l'imagination et la fièvre de l'époque. La gravité de la situation lui apparut entière et dès le premier jour il en envisagea les suites. Aussi, en mars 1789, au moment des émeutes qui accompagnèrent à Mâcon l'élection des députés aux États généraux, on le vit avec MM. de Chaintré, de Bordes, de Pierreclau et de Drée, défendre les intérêts de sa caste à l'Assemblée des trois ordres du bailliage et réclamer même la destitution du maire qui soutenait le Tiers, ce qui leur valut à tous d'être fort malmenés par la foule à l'issue de la réunion [Cf. Demaizières, Un incident populaire à Mâcon en 1789 (Ann. de l'Académie de Mâcon, iie siècle série, t. XI).].
En 1792 enfin, lorsqu'il sentit l'orage prêt d'éclater, il se hâta d'émigrer ; pour un temps très court, il est
Weitere Kostenlose Bücher