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Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812

Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812

Titel: Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre De Lacretelle
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mélancolique de physionomie, il parlait à sa mère avec tendresse, au curé avec respect, à ses écoliers avec dédain et supériorité.
    Son unique passion était la chasse, et l'on voyait chez lui des sabres, des couteaux, des fouets, des bottes à l'écuyère, tout un attirail de veneur qui voisinait avec des objets de goût. On sentait au son mâle et ferme de sa voix et à cet ameublement que son caractère naturel se vengeait du contresens de son état.
Il était instruit, et les nombreux volumes de sa bibliothèque attestaient sa culture. Mais les livres, comme les meubles, étaient très peu canoniques : c'étaient Raynal, Jean-Jacques, Voltaire, des romans du temps, les encyclopédistes, en même temps que des brochures et des journaux contre-révolutionnaires, car il était légitimiste. «Toute cette haine de la Révolution et toute cette philosophie dont la Révolution avait été la conséquence, dit Lamartine, se conciliaient très bien alors dans la plupart des hommes de cette époque ; leur âme était un chaos, comme la société nouvelle. Ils ne s'y reconnaissaient plus.» Cette phrase fut sans doute l'excuse que trouva le poète à la déroutante psychologie du curé de Bussière ; mais voici une plus grave révélation : «Il était aisé de voir que l'abbé Dumont était philosophe comme le siècle où il était né. Les mystères du christianisme qu'il accomplissait par honneur et par conformité avec son état ne lui semblaient guère qu'un rituel sans conséquences ; cependant, bien que son esprit fût incrédule, son âme amollie par l'infortune était pieuse.»
Tel était l'abbé Dumont selon Lamartine, athée et prêtre. Quant aux causes de cet incohérent état d'âme, elles sont expliquées plus loin par un ténébreux récit où le curé de Bussière apparaît comme échappé d'un roman d'amour, aigri par ses infortunes et relégué dans une misérable campagne loin du monde qu'il avait tant aimé.
À vrai dire, on comprend que ce portrait soit accueilli avec quelques réserves.
    Comment admettre que les Lamartine aient confié leur fils à un prêtre mi-soudard, mi-voltairien et dont toute la région, au dire même du poète, connaissait les aventures ? comment admettre que ses allures—car il était un des familiers de Milly—n'aient pas éveillé d'inquiets soupçons chez la pieuse Mme de Lamartine ? Comment admettre, enfin, cet invraisemblable roman esquissé et poétisé d'abord dans Jocelyn, rétabli plus tard dans les Confidences et leur suite ?
Et pourtant, il faut reconnaître que les pages consacrées à l'abbé Dumont sont exactes : il est hors de doute qu'à une époque difficile à préciser Lamartine reçut de son premier maître le dépôt d'un douloureux secret qui les lia l'un à l'autre d'une étroite amitié et révéla alors au jeune homme les véritables motifs de la détresse morale, des allures étranges et souvent inquiétantes de l'abbé Dumont.
Antoine-François Dumont naquit à la cure de Bussière le 29 juin 1764 et déjà, à relever les différences d'état civil que l'on trouve dans deux ouvrages qui parlent de lui, on constate un premier mystère. L'un le fait naître à Charnay le 24 juillet 1756 [Abbé Chaumont, op. cit.], l'autre en fait le neveu et filleul de François Antoine Destre, alors curé de Bussière et à qui il succéda [Mgr Rameau, op. cit.]. Or, il serait aussi vain d'aller rechercher son acte de baptême à Charnay, que d'essayer d'établir sur quelles pièces on a pu prétendre que sa mère était la sœur de Destre. Lamartine, on l'a vu l'a fait naître à Bussière «dans la maison même de l'ancien curé» et il avait ses raisons pour parler ainsi. Car Antoine-François Dumont qui, suivant son acte de baptême, était fils de Philippe Dumont et de Marie Charnay, tous deux au service du curé Destre, était—et ce n'était alors, paraît-il, un mystère pour personne—fils de Destre et de sa servante.
    Celui-ci, d'ailleurs, fut le parrain de l'enfant et lui imposa même ses prénoms ; par la suite, il le logea chez lui sa vie durant, et lui assura une éducation soignée très supérieure à son humble origine officielle. Deux lettres de Destre qu'on lira plus loin prouvent l'affection qu'il porta toujours au jeune homme : en mourant, il l'institua son légataire universel alors que le fils cadet et véritable de Philippe Dumont, né en 1768, fut élevé modestement par ses parents et devint huissier à Mâcon. Tout

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