Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
avec lui Joséphine.
Cette belle majesté est sortie de la préfecture le lendemain à cheval.» De même, on lit en 1811 : «Marie-Louise est accouchée d'un fils le 20 mars. Buonaparte eût-il jamais cru, lorsqu'il étudiait à Brienne où notre bon roi Louis XVI payait sa pension, qu'il épouserait un jour une fille des Césars d'Autriche et qu'il serait assis sur le trône de France ?» À partir de 1815, il prendra l'habitude chaque 21 janvier de célébrer en chaire la mémoire du roi-martyr, et de lire à ses paroissiens assemblés le «testament du juste», de «l'auguste victime». Lamartine qui sur sa tombe rendit pourtant un hommage public à ses vertus chrétiennes, nous a dit d'autre part combien sa foi était chancelante et faite de revirements. Les livres qu'il lui légua n'ont aucun caractère religieux : «Rousseau, Diderot et Voltaire y voisinent avec Saint-Simon, les Lettres de la Palatine, Machiavel, l'Arioste et d'autres...».
À l'évêché, on le jugeait mal et l'abbé Faraud, vicaire général de Mâcon, connaissait ses aventures en même temps que son caractère difficile. En 1797 on ne l'avait admis dans les ordres qu'avec une certaine hésitation et il était mal noté ; les deux lettres qui suivent nous renseignent très suffisamment à cet égard : l'une émane de Destre et fut écrite le 2 juin 1801 à l'abbé Faraud pour le prier d'excuser auprès de l'évêque le peu d'application et l'humeur de son filleul :
«...Vous m'avez offert vos services auprès de M. l'Évêque : je vous prie de lui dire que je supplie Sa Grandeur de me confier la conduite de l'abbé Dumont qui ira de temps à autre lui présenter nos regrets lorsqu'il sera visible. Je connais son caractère. En lui parlant avec douceur et sans tracasserie il exercera son ministère à ma satisfaction et à celle de beaucoup de fidèles qui l'ont regretté quand il a été obligé d'abandonner ses fonctions et qui me demandent depuis longtemps quand ils le verront et l'entendront à l'autel et au confessionnal [On a vu que l'église avait été fermée en 1798, et que l'abbé Dumont reçut, lorsqu'elle rouvrit, l'interdiction d'y dire la messe régulièrement, comme il en avait pris l'habitude.].
Pour que je puisse le déterminer, il faut que je puisse lui dire qu'il n'aura affaire qu'à M. l'Évêque et à moi. Je ne lui dirai de dire la messe que quand il se croira disposé. En attendant, j'espère que le Seigneur me donnera des forces. Il y a bientôt quarante ans que je sers cette paroisse, il me ferait bien de la peine d'y voir le service divin interrompu.
«Monseigneur m'a permis et à l'abbé Dumont d'user des pouvoirs qu'il s'est réservés et il m'a recommandé d'en user largement. Sans doute il l'a aussi recommandé à l'abbé Dumont : nous tâcherons de remplir ses instructions...»
L'abbé Faraud, qui savait évidemment à quoi s'en tenir sur Dumont, fit parvenir à l'évêque la lettre de Destre qu'il accompagna de celle-ci :
Ce mercredi matin 3 juin 1801.
«Voici, Monseigneur, une lettre du curé de Bussière qui serait probablement insolente si elle n'était essentiellement bête.
«Nous avons pensé, puisqu'il annonce que pour ce qui le concerne ainsi que M. Dumont il ne reconnaît que ce qui émane directement de vous, qu'il fallait que vous prissiez la peine de lui répondre, et j'ai l'honneur de vous envoyer la réponse que nous estimons devoir lui être faite. Si vous daignez l'approuver, auriez-vous la bonté de la signer et de me la renvoyer pour que je la fasse parvenir à son destinataire ?
«M. Dumont est une espèce de houzard qui dans les temps ordinaires aurait été paralysé.
Attendu le besoin qu'on a d'ouvriers, il faut bien se résigner à l'employer, mais non à Bussière et dans les environs où sa conduite a été scandaleuse et ses jactances plus scandaleuses encore [Ces deux lettres, qui sont conservées aux archives épiscopales d'Autun, ont été communiquées à l'Académie de Mâcon par M. le chanoine Muguet, curé de Sully. (Cf. procès-verbal de la séance du 10 janvier 1907.)].»
Mais Monseigneur Moreau qui gardait sans doute quelque souvenir à son ancien protégé et connaissait les causes de son humeur, le conserva à Bussière où il demeura jusqu'à sa mort.
Ces révoltes et ces crises de découragement étaient fréquentes chez l'abbé Dumont et, pour le ramener, on voit les moyens qu'il fallait employer : «lui parler avec douceur et sans tracasserie, ne lui
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