Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
Suscription : «À monsieur de Lamartine, chargé des affaires de France, Florence, Toscane».] !
Mais, malgré l'inépuisable cœur de Lamartine, l'abbé Dumont s'endettait toujours. À sa mort, il laissait un passif de 4 252 francs qui ne fut pas entièrement liquidé par la vente publique de ses meubles, d'autant qu'il avait déjà pris soin de distraire l'argenterie de sa succession pour la remettre à son frère, huissier à Mâcon, en lui recommandant bien de répudier l'héritage.
La vie de l'abbé Dumont que nous venons seulement d'esquisser ici, mériterait d'être étudiée plus complètement le jour où les archives épiscopales d'Autun seront classées et ouvertes au public. Comme l'a dit Lamartine, il fut le modèle secret de Jocelyn, et surtout joua un rôle très grand dans la jeunesse du poète.
Nous savons qu'en 1798, lorsque le culte fut rétabli à Bussière, Destre et Dumont ouvrirent une petite école pour les enfants du pays. Lamartine y fréquenta trois ans—, sa mère l'a mentionné plus tard,—mais ces leçons furent insignifiantes.
Par la suite il apprit à mieux connaître son ancien maître et la façon dont il en a parlé dans toute son œuvre prouve que de 1810 à 1820, pendant les longues années qu'il passa à Milly et à Mâcon en proie à un accablant malaise moral, le curé de Bussière fut son confident habituel et connut tous les détails de cet état d'âme maladif que reflète la Correspondance. Sans doute le prêtre sans vocation reconnut-il un peu de lui-même dans cet adolescent inquiet, tour à tour dévoré par l'activité ou meurtri par la lassitude : toutes ses aspirations lointaines, tous ses rêves de jeunesse, ses élans, ses rêves brisés vécurent à nouveau devant ses yeux. De là cette intimité étroite, ces confidences de part et d'autre, transcrites par Lamartine avec tant de fidélité.
Plus tard, en mémoire de ces heures communes, le poète adoucit le plus qu'il put l'existence pénible de l'abbé Dumont.
Il le reçut à Saint-Point, l'invita à Paris, le fit participer à toutes ses joies, à toutes ses douleurs, et consacra enfin sa mémoire par un poème où revit, purifiée et grandie, la misérable vie du pauvre curé de Bussière. La réalité, pourtant, fut autrement tragique et émouvante.
Peut-être Stendhal en eût-il tiré un merveilleux dénouement pour la vie de Julien Sorel. Mais les choses sont ainsi : deux œuvres romantiques qui pourraient passer, l'une pour le type parfait du roman psychologique, l'autre pour celui du roman d'imagination, eurent pourtant un thème commun ; bien mieux, celle du poète eut seule un modèle vivant.
CHAPITRE II - L'INSTITUTION PUPPIER
(2 mars 1801-17 septembre 1803)
L'abbé Dumont donna à Lamartine ses premières leçons de français et de latin ; mais au début de 1801, soit que ses allures aient fini par inquiéter la famille, soit que l'enfant devenant, comme il l'a dit, de plus en plus impétueux et avide de liberté, les siens aient décidé de mettre fin à cette existence demi vagabonde et paysanne, on résolut à Milly de le mettre en pension.
La mère, inquiète de s'en séparer, objecta ses dix ans, sa constitution délicate ; il lui fallut pourtant s'incliner comme toujours devant les volontés de son beau-frère qui lui opposa, paraît-il, «le bien» de son fils.
Il existe un petit portrait de Lamartine à dix ans [Appartient à Mme Fournier, née de Belleroche, petite-nièce de Lamartine. Il a été reproduit par M. Lex dans son album Lamartine, souvenirs et documents (Mâcon, 1890).] : c'est un bel enfant joufflu et solide, ébouriffé par ses courses dans la montagne, et qui respire la santé ; il paraît évident que l'existence au grand air lui a pleinement réussi, et les craintes maternelles ne semblent pas très justifiées.
Il fallut alors s'occuper de lui trouver une pension. Les maisons d'éducation ne manquaient pas à Mâcon, et l'enfant n'y aurait guère été dépaysé ; mais les Lamartine tenaient sans doute à modifier complètement le système adopté jusqu'ici par sa mère, puisqu'ils firent choix d'une institution à Lyon, et d'ordre tout à fait secondaire. Mme de Lamartine, triste d'abord de voir son fils si loin d'elle, se consola en pensant qu'il serait surveillé de près, car elle comptait à Lyon de nombreux parents et amis, entre autres Mme de Roquemont, sa cousine germaine, qui devint la correspondante du petit Alphonse et se chargea de faire
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