Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
convint, pour ne pas sembler lui donner raison, de laisser s'achever l'année scolaire et, si les choses n'étaient pas alors oubliées, de le changer d'établissement.
Mais, jusqu'à la fin de l'année, l'enfant continuera d'envoyer des lettres désespérées et suppliantes dont Mme de Lamartine a transcrit les passages les plus inquiétants pour elle ; visiblement, il essayait d'apitoyer sa mère qu'il savait faible sur le point de sa santé.
À l'en croire, il était incapable de travailler, toussait et se sentait sans forces, ce qui ne l'empêcha pas de remporter en fin de classes un grand prix de français, un prix de latin, un prix d'histoire et un accessit de dessin. Peut-être les Puppier avaient-ils été un peu indulgents dans l'espoir de le réconcilier avec la pension, mais rien n'y fit. Dès son retour à Milly, l'enfant, dont la sensibilité était déjà très délicate, raisonna avec beaucoup de bon sens, objecta à son père que depuis son escapade il était demeuré gêné vis-à-vis de ses maîtres et de ses camarades et, mettant comme toujours sa mère avec lui, obtint presque aussitôt la promesse qu'il ne retournerait plus à Lyon.
Mme de Lamartine, qui n'aimait guère les Puppier, s'était déjà mise depuis six mois en campagne pour les remplacer ; en février, alors qu'elle était à Rieux chez sa mère, elle lui avait demandé conseil et Mme Des Roys, qui datait d'une époque où les enfants comptaient fort peu, avait indiqué un collège de Jésuites à Radstadt. Sa fille, comme on peut le penser, ne voulut pas en entendre parler. Plus tard, il fut un instant question de Roanne et en mai elle se rendit tout exprès à Beaune pour se renseigner elle-même sur un lycée dont on lui avait parlé, «mais, dit-elle, il ne me plut pas infiniment». Elle crut avoir trouvé en apprenant qu'un bon collège allait s'ouvrir à Cluny : «J'espère que nous y mettrons Alphonse, écrira-t-elle aussitôt, cela me fera grand plaisir». On devine pourquoi : Cluny étant à quelques kilomètres de Milly, elle aurait ainsi son fils tout près d'elle. C'est ce que l'oncle voulait éviter.
Au début de septembre enfin, des amis qu'elle avait mis au courant de ses recherches lui parlèrent du collège de Belley en Dauphiné et qui venait d'ouvrir ses portes.
Malgré l'éloignement, elle fut aussitôt séduite par cette idée et elle a noté le 6 septembre dans son journal :
«J'espère que mon mari consentira à mettre Alphonse à Belley où je désire fort qu'il soit parce que le collège est tenu par les Pères de la Foi, institution à l'instar de celle des Jésuites, et où les principes sont excellents. Dieu me fasse la grâce que mon enfant soit chrétiennement élevé, je sacrifierai à cela toutes les sciences de ce monde ; mais dans ce collège on réunit tout, excepté peut-être la perfection des arts d'agrément.»
Ses renseignements pris, elle fit part de sa découverte à la famille et, le 18 septembre, obtenait son consentement. Le jour même le chevalier écrivit à Belley, un peu malgré son fils tout à l'espoir qu'on le garderait à Milly ; l'idée d'être emprisonné à nouveau, et plus loin encore que Lyon, le chagrinait beaucoup et tout au plus se résignait-il à Cluny. La mère ébranlée commençait à hésiter ; mais il était trop tard : François-Louis ne voulait pas de Cluny, et une réponse affirmative de Belley parvint à Milly le 25.
Mme de Lamartine se décida alors à accompagner son fils. «Mon mari, dit-elle, ne se soucie pas de voyager et je serai bien aise de voir le lieu où mon enfant sera ; il me semble que je sens moins vivement notre séparation lorsque je le conduis moi-même.» Ils se mirent en route le 24 octobre pour arriver à Belley le 26 à deux heures de l'après-midi.
Elle note le lendemain : «Mon voyage a été heureux et pas trop pénible ; je n'ai pas pu écrire en route à cause d'Alphonse avec qui je causai et me promenai. Je viens de remettre ce cher enfant entre les mains des Pères de la Foi qui ont l'air de bien dignes gens.
La maison est superbe, le pays est beau aussi ; le chemin pour y arriver est fort extraordinaire : depuis Ambérieu l'on suit une gorge de montagne qui est vraiment curieuse. Ce matin j'ai été à la pension et j'ai été fort aise de voir Alphonse. Il m'a dit qu'il était content.»
Après un bref séjour de quarante-huit heures, Mme de Lamartine reprit le chemin de Milly. La séparation n'avait pas été trop
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