Les panzers de la mort
écrire de son maître.
Les adjudants suaient de peur lorsqu’au téléphone la voix douce de von Weisshagen leur signalait une erreur de service. Car on pouvait être sûr que, dans les cinq minutes, le colonel savait tout. Il y avait même des jours où nous nous demandions si ses yeux redoutables ne perçaient pas les murailles. Il punissait toujours au maximum de ce que prescrivait les milliers de paragraphes dont le Troisième Reich avait truffé le droit militaire.
La clémence était pour lui le signe certain de la décadence. Il adorait donner des ordres insensés à ses subordonnés. Assis derrière son grand bureau d’acajou, où brillait une grenade fixée à la hampe du fanion des chars, Il dévisageait l’homme au garde-à-vous devant lui, pour lui jeter tout à-coup : « Sautez par la fenêtre, vous là-bas ! »
Malheur à celui qui hésitait à courir à la fenêtre pour s’apprêter à sauter du troisième étage. A la dernière seconde retentissait la voix du petit officier : « C’est bien. Quittez cette fenêtre. »
Ou bien Il arrivait dans une chambrée, sans bruit, comme un chat (ses bottes avaient des semelles de caoutchouc). Il ouvrait la porte et d’une voix douce et cinglante lançait : « Tenez-Vous sur les mains ».
Le pauvre type qui n’y arrivait pas était noté avec soin, dans un petit carnet gris que von Weisshagen avait toujours dans la poche-poitrine de gauche. Il écrivait de la plus jolie écriture, se servant, comme pupitre, du dos du délinquant qui n’y coupait pas, le malheureux, de huit jours d’exercices pénitentiaires.
Bavardant à voix basse, nous nous promenions, peinards,, dans l’aire de la caserne. Pluto avait à la bouche une cigarette allumée insolemment, mais de longueur calculée pour disparaître rapidement à l’intérieur de ses joues, si besoin en était.
Il donna un grand coup de pied dans la serrure. d’une caisse de munitions et constata, avec joie, qu’elle s’ouvrait. Ça ferait du bruit, le lendemain, à la 4 e Compagnie. Si on avait pu coller là-dedans une mèche allumée… Quel beau feu d’artifice ferait la caserne en sautant ! A cette pensée, Pluto éclata de Rire en réveillant les échos de la nuit bleue. Contournant la cour d’exercice, Il Cracha son minuscule mégot loin dans l’herbe sèche et nous regardâmes un instant, en Silence, la petite lueur, avec la même pensée secrète… Le même espoir qu’il se passe quelque chose.
La ronde continuait à pas lents comptés. Les baïonnettes, au bout des fusils, luisaient méchamment. Nous n’avions pas fait dix pas, lorsque se dressa devant nous une Silhouette que nous. reconnûmes immédiatement : c’était le lieutenant-colonel von Weisshagen. Englouti devant nous dans sa casquette et sa capote, Il ressemblait à un gros couvre-théière noir.
Pluto trompeta le mot de passe : « Gneisenau » ! – Silence de quelques secondes. Puis, de nouveau, Cri de Pluto : « La patrouille de garde en service commande demande, selon les prescriptions du règlement, les papiers du colonel ! »
Silence.
Alors la capote de cuir froufrouta. Une étroite main gantée s’introduisit entre deux boutons et ressortit rapidement, pointant vers nous le canon d’un revolver, tandis que sifflait la voix douce :
– Et si je tirais ?
A la même seconde, le coup de feu de Pluto partit comme l’éclair. Il arracha, la casquette du colonel et, avant que celui-ci fût revenu de sa surprise, Il avait ma baïonnette sur là poitrine et la Crosse de Pluto lui faisait sauter son revolver des mains : la voix de ce dernier se fit caressante :
– Haut les mains, mon colonel, ou je tire !
Je faillis éclater de rire. Il n’y avait que des militaires pour se conduire d’une façon aussi imbécile.
Je pressai fortement ma baïonnette contre la poitrine du colonel, pour souligner le sérieux de notre garde.
– Pch !… s’exclama-t-il, menaçant, vous me reconnaissez. Retirez votre baïonnette et continuez votre patrouille. Demain, vous ferez un rapport sur votre coup de feu.
– Nous ne vous connaissons pas, colonel. Nous savons seulement qu’en service commande nous avons été menacés d’une arme, et que, selon le règlement, nous avons tiré le coup d’avertissement.
Et sans pitié. Pluto continua :
– Nous sommes obligés d’ordonner au colonel de nous suivre à la salle de garde.
Nous poussâmes lentement, vers le corps de garde, le colonel
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