Les panzers de la mort
qui proférait des injures, mais nous ne voulûmes rien entendre. Il lui fallut avancer.
Notre entrée provoqua un hourvari. Reinhardt qui dormaillait, étendu sur une table, tomba par terre, se releva, se mit au garde-à-vous, fit les trois pas réglementaires vers le colonel et, avec une voix chevrotante d’émotion, cria :
– Garde à vous ! Sous-officier Reinhardt en service commande de commandant de la garde, fait son rapport au lieutenant-colonel. La garde se compose de vingt hommes, cinq au poste, des fusils, deux en patrouille. Au poste, Il y a quatre hommes : un soldat de la 3 e Compagnie, avec deux jours d’arrêt, un tireur de chars, et un soldat de la 7 e Compagnie, avec six jours, tous trois pour être rentrés après le couvre-feu ; et un chien-soldat, avec trois jours, pour s’être oublié par terre, dans un bureau. Rien à signaler de particulier au lieutenant-colonel, termina Reinhardt Cramoisi.
Intéressé, von Weisshagen demanda :
– Qui suis-je ?
– Vous êtes le commandant du bataillon de redressement du 27 e régiment disciplinaire de chars, lieuteant-colonel von Weisshagen.
Pluto, d’un air ravi, se mit à hennir son rapport :
– Le soldat de 1 re classe Eicken conduisant la patrouille de la caserne, se composant de deux hommes, fait son rapport au commandant de la Garde : nous avons arrêté le lieutenant-colonel derrière le terrain d’exercice de la 2 e Compagnie. N’ayant pas reçu de réponse au mot de passe, et vu que sur les sommations et la demande de papiers nous avons été menacés d’un revolver, nous avons, comme le prescrit le règlement, tiré un coup d’avertissement avec un fusil modèle 98, de telle façon que la casquette du prisonnier fut arrachée par le projectile. Nous avons désarmé le prisonnier et l’avons amené devant le commandant de la Garde. Nous attendons les ordres.
Silence. Long Silence, doux comme le velours.
Reinhardt, complètement dépassé, s’étranglait et hochait la tête, tandis que le colonel le regardait avec une attention passionnée. La peau du crâne rond de Reinhardt s’empourprait et pâlissait tour à tour ; tout se brouillait chez lui. Alors le colonel perdit patience et la voix douce dit, avec un peu de reproche :
– Nous avons appris que vous me connaissiez. Vous êtes commandant de la Garde. La sécurité du bataillon est entre vos mains. Quels ordres donnez-vous ? Nous ne pouvons pas attendre toute la nuit !
Reinhardt était éperdu. Les yeux lui sortirent de la tête de désespoir, tandis qu’il fixait tour à tour la porte de sortie, les rangées de fusils bien alignées, les recrues droites et raides, le coussin et la capote sur la table, preuves malencontreuses de son somme non réglementaire. Son regard revint vers le lieutenant-colonel, Pluto et moi, qui, avec une joie non dissimulée, attendions ce qu’allait dire le héros du moment, écrasé par beaucoup plus de puissance qu’il en eût désiré.
Il avait devant lui un homme, apparemment fait comme les autres, mais hélas ! pourvu de broderies d’or et d’argent sur les épaules ; un homme, qui pour Reinhardt, était dieu et Satan ; qui avait entre ses mains la vie et la mort, et surtout… surtout ! le pouvoir de dire certains mots, qui l’enverraient, lui Reinhardt, dans quelque chose d’aussi épouvantable qu’une compagnie de marche, derrière laquelle se profilait un fantomatique front de neige ! Son destin, en cette minute, dépendait de ce qu’il allait dire au tout-puissant, au colonel von Weisshagen, qui attendait, un sourire moqueur aux lèvres.
Le cerveau de Reinhardt se mit à tourner, lentement d’abord, puis de plus en plus vite. Mugissant comme un taureau parmi des vaches, Il cria à Pluto et à moi :
– Qu’est-ce que c’est que cette conduite ?… Libérez immédiatement le colonel, tas d’imbéciles ! C’est honteux… – Il continua d’un air rayonnant : – Vous êtes aux arrêts ! Mes excuses, colonel ! dit-il en claquant les talons, ces crétins viennent du front, ça leur tourne la cervelle. Ils sont bons pour un rapport au Conseil de guerre.
Le lieutenant-colonel nous couvait d’un regard qui hypnotisait. L’aventure dépassait toutes ses espérances… juste le genre de choses qui allait lui permettre un de ses célèbres exemples.
– Ainsi, c’est votre avis, sous-officier ?
IL épousseta négligemment. un de ses grands revers, et prit des mains de Pluto, rigolard, son
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