Les panzers de la mort
bain d’acide sulfurique d’où, seule, sa tête émergeait.
Porta fixa le S. S. : – Qu’est-ce que t’en penses, vieux frère ?
– Des monstres, bégaya le S. S. Il faudrait leur casser les os. Je vous crois tous et je jure que je hais Hitler et sa bande ; montrez m’en un et je vous apporterai sa tête.
Porta se mit à rire : – On y pensera. Je te prends au mot, mon vieux, tu viendras à la chasse avec Joseph Porta. Dresse l’oreille quand je donnerai le signal !
– Un jour on m’appela chez le médecin, continua Peters. IL me stérilisa : mon cas relevait de l’article 175. Quelques mois plus tard, j’étais ici, chez vous, et je peux dire que je m’y sens aussi chez moi, car pour la première fois je suis tranquille. Je ne voudrais pour rien au monde revoir ma maison. – Des larmes coulèrent le long de ses joues. – Si le courage me manquait un jour, ne m’en veuillez pas, ce n’est pas la mort que je crains, mais. une seule chose : la prison en Allemagne ou chez ceux d’en face.
– T’en fais pas, décida Porta en lui tapant sur l’épaule, tu reviendras avec nous et on fera la révolution.
– Oui, dit Alte, Il y aura des règlements de compte, mais ce qui est navrant c’est qu’on ne noua croira pas. Qui Croira la vérité sur la belle Wehrmacht ou les « établissements de détention et de recherche » ? On dira que vous exagérez, que c’est impossible. On vous battait peut-être ? Après tout, on n’en meurt pas ! Et se venger d’avoir été battu, c’est beaucoup pour pas grand-chose !
– Donc, tu estimes qu’il n’y aura même pas moyen de se venger ?
– Sûrement pas.
– Alors je sais ce qui me reste à faire, dit Porta en Ricanant. A partir d’aujourd’hui, tout ce que je trouve comme membre du Parti ou S. S., je le descends !
Il saisit son fusil et en manœuvra la culasse avec un bruit menaçant.
– Foutaises, dit Alte. Ne fais pas l’idiot et tiens-toi tranquille si tu ne veux pas revoir Torgau.
– Froussard ! ricana Porta.
Assis sur la parapet de la tranchée, nous devisions en tournant le dos aux Russes qu’on voyait se promener dans leur secteur, tout aussi insouciants. Pas un coup de feu ne se faisait entendre, seuls quelques obus fusants explosaient assez loin pour être sans danger. Porta balançait ses jambes et jouait de la flûte, tandis que le chat ronronnait sur ses genoux. Petit-Frère cria à Pluto, toujours juché sur son arbre :
– Si tu vois venir quelque chose, préviens, qu’on se gare !
– Promis, cria Pluto, d’une voix si tonnante que les Russes nous regardèrent avec étonnement.
Lorsqu’ils virent que tout était calme, Ils nous firent des signes en Riant et l’un d’entre eux cria à Pluto : – Gare aux courants d’air, là-haut ! – Et il montrait la fumée de l’explosion d’un projectile.
– Merci pour le tuyau, cria Pluto, je ferai attention.
– Avez-vous de la vodka chez vous ? dit le Russe.
– Non, dit Pluto.
– Pas depuis une semaine ! Quelle saloperie de guerre, même pas de vodka ! Est-ce que votre abri est sec ? Nous autres, heureusement, on a un bon poêle.
Pluto trompeta, la main en cornet : – Chez nous aussi, c’est sec. On manque surtout de femmes, et vous ?
– Nous aussi ! Rien depuis cinq mois !
Us firent des signes et disparurent. Pluto se tourna vers nous :
– Saviez-vous que celui qui a écrit la chanson « C’est si beau d’être soldat » c’est suicide ?
– Tiens, pourquoi ? demanda Porta.
– Parce que quand Il a connu la vie de soldat, Il s’est trouvé si con d’avoir pondu ça, qu’il a été pris d’un cafard noir et s’est pendu avec ses vieilles bretelles devant la porte du colonel. – Pluto se tordit de Rire.
Au même instant, un fusant éclata tout près. Nous culbutâmes dans la tranchée au milieu du sifflement des éclats qui rebondissaient sur le parapet. Quelque chose me frappa dans le dos. J’y portai la main et un liquide visqueux poissa mes doigts : du sang ! Je me redressai, stupéfait, ma bouche s’ouvrit et un froid de glace coula dans mes veines. Juste devant moi,. la tête de Pluto séparée de son corps me regardait d’un œil éteint. Une sorte de sourire découvrait ses dents, de grands lambeaux de chair pendaient de son cou déchiré qui saignait sur la terre desséchée.
Un instant je restai frappé de la foudre ! Puis, je poussai un hurlement et bondis vers le parapet. Si
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