Les panzers de la mort
gargouillement rauque ; la sentinelle lâcha le revolver et s’abattit à la renverse. Pluto repoussa l’homme étranglé et libéra son coulant d’acier, mais Stege, lui, riait jaune.
– Ne recommence pas ça animal, dit-il à Porta enchanté.
Les lignes étaient proches et l’on sentait le front nerveux. Des balles traçantes fusaient, des mitrailleuses crépitaient de tous côtés ; au-dessus de nos têtes, des bombardiers vrombissaient en direction de l’ouest ; les traînées lumineuses des balles montaient vers eux et se perdaient dans le lointain.
Porta leva la main : juste devant nous se trouvaient les tranchées russes et nous en distinguions fort bien les ouvrages avancés. Une silhouette se montra et disparut dans un angle.
Un commandement chuchoté de bouche à oreille : nous bandons nos muscles et bondissons par-dessus le parapet, on tombe, on se relève, on glisse, on tombe encore. Une mitrailleuse crache, des coups claquent, quelques grenades aboient ; nous nous aplatissons pendant qu’une mitrailleuse allemande tire de longues rafales au-dessus de nos têtes. Une des femmes russes se met à hurlée et, avant que personne ait pu l’en empêcher, grimpe sur le parapet, mais, percée de balles, elle se plie en deux et retombe en arrière avec un gémissement inarticulé. Alte étouffe un juron.
– Ça y est ! nous sommes repérés. Qu’est-ce qu’on va recevoir !
IL avait à peine fini de parler que les lance-grenades et l’artillerie allemandes se mirent à tonner. Puis les Russes intervinrent à leur tour. Un sous-officier, parmi les prisonniers que nous avions libérés, eut toute la figure emportée et trois soldats furent tués en essayant de s’enfuir. A l’aube, le feu se calma, mais il n’était plus possible de filer et Il fallut encore attendre la nuit. Les blessés geignaient à haute voix, Petit-Frère regardait les morts. Il montra l’homme au visage emporté.
– Ce qu’il peut y avoir de choses dans une gueule, quand on l’ouvre ! Ce gris-là, qu’est-ce que c’est ?
– C’est la cervelle, dit Stege. Il ne serait pas joli à voir s’il s’en tirait ! Regarde, Il a un œil qui pend par-dessus sa bouche, c’est horrible. Pourquoi regardes-tu ça, dégoûtant ?
– Toi, Stege, laisse Petit-Frère tranquille, dit Porta, vous êtes toujours après lui.
– C’est vrai dit le géant touché, vous êtes toujours après moi.
Le légionnaire lui tapa sur l’épaule : – Pleure pas, mignon, sans ça je pleure aussi.
Un Oberfeldwebel qui se trouvait dans le convoi, s’écria agacé : – Vous ne pourriez pas cesser vos plaisanteries idiotes, à la fin ? Si vous vous Croyez intelligents !
Porta se redressa : – Pas de ce ton-là s’il te plaît ! N’oublie pas qu’ici, tu es simplement un invité et si tu n’es pas content tu peux te débiner.
Sans nous, tu en mènerais moins large à l’heure qu’il est.
– Depuis quand un soldat parle-t-Il ainsi à un supérieur ? On verra la suite à l’arrivée.
– Bon Dieu ! s’exclama Bauer, ça m’a tout l’air d’une menace !
– Ici, c’est moi qui commande, dit la voix d’Alte. Quarante mètres jusqu’à Ivan, soixante-dix mètres pour nos tranchées et le terrain est criblé de balles. Si tu te sens le courage ?
Le sous-officier regarda Alte et resta muet. Deux heures après la tombée de la nuit, le légionnaire rampa vers les positions allemandes pour éviter d’être tué par les nôtres. Trois heures s’écoulèrent encore, puis une double étoile verte monta vers le ciel signe que nous étions attendus. L’un après l’autre, et Porta le dernier, nous sautâmes enfin dans les tranchées allemandes. L’Oberfeldwebel manquait à l’appel et personne ne savait ce qu’il était devenu.
Il nous arriva d’être pris de la folie des grandeurs. Chacun eut le droit de satisfaire ses désirs les plus invraisemblables en fait de menus.
On jeta des cigares à moitiés fumés, ce que petit-Frère déclara avec impudence être une habitude chez lui.
Alte réclama une serviette en fin de repas et le légionnaire un cousin pour s’asseoir. pour mettre le comble à nos élégances d’un jour, Pluto exigea de ne pas être tutoyé.
QUEL MENU DÉSIREZ-VOUS ?
C E jour-là nos positions se trouvaient en forêt. Délicieuse forêt, si tranquille ! Quelques grenades éclataient toutes les cinq minutes mais à bonne distance, et un petit soleil de
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