Les pièges du désir
devait avoir de l’influence sur sa fille. Elle était femme à connaître la valeur des attentions d’un gentleman.
Il frappa à la porte et une habilleuse vint lui ouvrir.
Daphné était étendue sur un sofa de brocart rouge, enveloppée dans un peignoir de soie brodé de paons.
– Asseyez-vous, Tranville. Quelle bonne idée de me rendre visite !
Elle se pencha un peu et sa robe de chambre s’entrouvrit, dévoilant la naissance de seins au galbe impressionnant. Sa fille avait hérité de sa poitrine – la sienne était plus ferme, évidemment.
– C’est toujours un plaisir de vous voir, ma chère Daphné.
Il prit une chaise et la tourna pour l’enfourcher, les coudes appuyés sur le dossier.
– Je suis venu vous demander votre assistance.
Elle bougea encore, exposant cette fois une cheville nue.
– Mon assistance ?
Il hocha la tête.
– Oui, avec Ariana.
– Ariana…
Elle se renversa en arrière et resserra les pans de son peignoir.
– Qu’a-t–elle fait encore ?
– Elle se comporte comme si elle voulait m’éconduire.
Elle lui coula un regard de côté.
– Vous éconduire, vous ?
Il eut un rire nerveux.
– Elle prétend qu’elle s’estime trop pour répondre à mes avances.
Daphné fronça les sourcils.
– La petite idiote !
– Il faut que vous interveniez auprès d’elle !
Il s’exprimait d’un ton comminatoire, comme s’il donnait des ordres à l’un de ses soldats.
Daphné exhala un long soupir et tapota la table près d’elle, de son index à l’ongle démesuré.
– C’est une nigaude. Voulez-vous mon avis ? Elle est tout simplement en train de jouer avec vous, milord.
Tranville se renfrogna.
– Je déteste les jeux.
Le regard de Daphné étincela de colère.
– Elle doit se croire très futée, la petite sotte ! Mais si elle sent que la poursuite ne vous intéresse plus, elle reviendra vers vous en courant.
– Oh, mais cela m’intéresse toujours ! assura-t–il en tambourinant sur le dossier de sa chaise. Pour parler franc, je suis plus déterminé que jamais. Dites-lui que je lui offrirai des bijoux. Peut-être une parure de chez Rundle and Bridge ? Dites-moi ce qui pourrait la tenter…
Elle secoua la tête.
– Vous vous montrez trop empressé, milord. La vérité, c’est qu’elle a besoin d’une bonne leçon. Eloignez-vous d’elle quelque temps, ce sera un bon moyen de l’effrayer… et de lui faire prendre conscience de votre valeur.
Il se souleva de son siège.
– M’éloigner ? C’est hors de question. Je suis quasiment décidé à…
Il n’acheva pas, et Daphné lui saisit le bras.
– Je suis en train de vous conseiller ce qui peut marcher avec elle. Rendez-la jalouse. Offrez des bijoux à une autre femme.
Son regard se fit rusé.
– Moi, par exemple. Faites-lui croire que vous vous intéressez à moi. Elle jalouse mes rôles. Pourquoi ne m’envierait-elle pas mon amant ?
Tranville réfléchit. Ariana était ambitieuse. Il pouvait l’aider dans sa carrière, si elle voulait bien le laisser faire. C’était incontestablement un argument.
Daphné croisa les bras sur sa poitrine et sa bouche prit un pli amer.
– Elle est venue à Londres pour me prendre ma place au théâtre. Sans elle j’aurais pu jouer Juliette. Et Cléopâtre.
Elle s’était battue comme une lionne auprès d’Arnold pour obtenir le rôle. Mais celui-ci lui avait préféré sa fille.
Tranville se pencha vers elle.
– Aidez-moi, Daphné, et je vous promets de vous aider en retour.
Et comme elle semblait réfléchir :
– Je vous serai redevable, fit-il d’un air engageant. Si vous m’aidez à réaliser mon désir, la prochaine pièce à l’affiche sera pour vous.
Du moins si Ariana ne revendiquait pas le rôle…
– Très bien, j’accepte. Mais vous devez suivre mon conseil. Laissez-lui croire qu’elle vous a perdu, c’est le meilleur moyen de la conquérir.
On frappa à la porte à cet instant.
– Vous entrez en scène dans dix minutes, miss Blane !
Tranville se leva.
– Marché conclu, ma chère. En guise de début, je n’assisterai pas à la représentation ce soir.
Elle lui tendit la main.
– Parfait, milord. Soyez patient, tout ira bien.
Il s’inclina pour lui embrasser le bout des doigts. Mais ce fut d’un ton dur qu’il ajouta :
– Je suis déterminé
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