Les pièges du désir

par le menton et tourna vers elle son petit minois chiffonné. 
    – Voulez-vous venir avec moi et assister à la répétition ? Cela vous distraira un peu. 
    Et se tournant vers Jack : 
    – Vous pourriez venir la chercher plus tard. A moins que je ne la renvoie directement chez elle dans un fiacre… 
    – Qu’en dis-tu, Nancy ? 
    La jeune fille acquiesça, en s’essuyant les yeux d’un doigt tremblant. 
    – Tu veux bien dire à maman où je suis ? Je… je préfère ne pas l’affronter maintenant. Dis-lui que je rentrerai en fiacre et que je ne serai pas en retard pour le dîner. 
    – Fort bien, fit Jack en boutonnant son manteau. Allons-y tout de suite. Je voudrais arriver à temps pour mettre la main sur Tranville, s’il est encore chez Mère. 
    Ariana donna sa cape à Nancy et s’enveloppa dans l’un des châles destinés à Cléopâtre. Jack les accompagna jusqu’au Strand pour les mettre dans un fiacre. Il aida Nancy à monter, puis se tourna vers Ariana. Elle lui caressa la joue. 
    – Soyez prudent, Jack. Ne le provoquez pas. 
    Il recouvrit sa main de la sienne. 
    – D’habitude, c’est moi qui vous recommande cela avec Tranville ! 
    Leurs regards se confondirent un instant, avant qu’il ne lui prête l’appui de sa main pour monter en voiture. Ariana le regarda disparaître au loin, tandis que l’attelage s’ébranlait. 
    S’était-elle laissé impressionner à son insu par les funestes pressentiments de Nancy ? Elle ne put s’empêcher de penser qu’une menace inconnue planait comme une ombre sur son avenir avec Jack. 

Chapitre 13 
    Jack resta immobile jusqu’à ce que le fiacre soit hors de vue. Puis il gagna l’appartement de sa mère d’un pas décidé. 
    En entrant dans le vestibule, il trouva Wilson habillé pour sortir. 
    – Mme Vernon m’envoyait justement chez vous, monsieur. 
    Il jeta un regard par-dessus l’épaule de Jack. 
    – Miss Nancy n’est pas avec vous ? 
    – Je viens de la quitter. 
    La voix de sa mère lui parvint de la chambre au bout du couloir. 
    – Je suis vraiment très inquiète, Lionel. 
    – Sottises ! Elle a dû courir chez son frère, lui répondit Tranville. Cessez de vous tourmenter. 
    – Je voudrais seulement en être sûre. 
    Mary Vernon sortit de la pièce. Découvrant son fils dans le hall, elle se rua vers lui. 
    – Jack ! Est-ce que Nancy est avec toi ? 
    – Non, mère. Elle a accompagné miss Blane au théâtre. 
    – Miss Blane ? s’exclama Tranville, qui jaillit à son tour de la chambre. 
    Jack n’en croyait pas ses yeux. Au nom du ciel, est-ce que cet individu avait entraîné Mary au lit, alors même qu’elle ignorait où se trouvait sa fille et ce qui avait pu lui arriver ? Décidément, ils étaient aussi abominables l’un que l’autre ! 
    – Elle voulait assister à la répétition, dit-il en les dévisageant tour à tour. Je vois que vous avez trouvé à vous occuper en son absence. 
    Mary Vernon rougit jusqu’aux oreilles. 
    – Jack ! 
    – Dites, mon garçon, vous allez un peu loin, commença Tranville. 
    Jack leur imposa silence d’un geste et se dirigea vers le salon. 
    – Il faut que je vous parle. A tous les deux. 
    Il surprit un coup d’œil approbateur de la part de Wilson, qui se tourna ensuite vers la maîtresse de maison. 
    – Avez-vous encore besoin de moi, madame ? 
    – Non, non, Wilson. Vous pouvez retourner à votre tâche. 
    Mary Vernon pénétra dans le salon, suivie de Tranville qui referma la porte derrière lui. 
    – Vous n’avez aucun droit de vous adresser à nous sur ce ton, mon garçon. Surtout en présence d’un serviteur ! 
    Jack fit volte-face. 
    – Mettez une sourdine, Tranville ! Je ne vois pas ce qui pourrait encore choquer les domestiques dans cette maison. Si je suis venu, c’est parce que je m’inquiète pour ma sœur. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de mariage ? 
    – Une… une proposition magnifique, murmura sa mère d’une voix faible. 
    – Quand en avez-vous entendu parler pour la première fois, mère ? 
    Elle le regarda, surprise par la question. 
    – Lionel m’en a informée ce matin. 
    – Tout était-il déjà arrangé quand il a daigné vous mettre au courant ? 
    Elle releva le menton. 
    – Bien sûr. Lionel s’est occupé de tout. 
    Jack se tourna vers Tranville. 
    – Vous avez négocié le mariage de ma sœur sans en référer à sa famille ?