Les pièges du désir

la maîtresse de Tranville. Mais elle ignorait qu’il entretenait aussi la famille de Jack. 
    – Pourquoi cela lui briserait-il le cœur ? 
    – Parce qu’elle est si éprise de lui ! Lord Tranville compte plus pour elle que n’importe qui. Même Jack et moi… 
    Ariana se tut, interloquée. La mère de Jack était-elle assez insensée pour préférer Tranville à ses propres enfants ? Elle qui croyait que Daphné Blane était la seule femme capable de faire passer ses amants avant sa fille ! 
    – Elle a tout quitté pour lui, continua Nancy. Je suppose que nous serions morts de faim si elle ne l’avait pas fait, même si Jack prétend le contraire. 
    Elle s’arrêta pour lui couler un regard interrogateur. 
    – Je pensais que Jack vous aurait raconté tout cela. 
    Ariana était bien de cet avis, mais elle préféra n’en rien dire. 
    – Il a dû juger que ce n’était pas important. 
    Pas important que sa mère soit entretenue par Tranville et se meure d’amour pour lui, de surcroît ! 
    Nancy plissa le front. 
    – Je croyais vraiment que lord Tranville aimait maman. Mais s’il l’aimait, il ne songerait pas à lui couper les vivres. Au contraire, il devrait pouvoir mieux s’occuper d’elle, maintenant qu’il a hérité d’un titre. C’est comme s’il voulait se débarrasser d’elle. 
    Tout en devisant ainsi, elles avaient atteint la porte de l’atelier. Ariana souleva le heurtoir. 
    Jack vint leur ouvrir, encore vêtu de sa chemise constellée de peinture. 
    – Ariana ? 
    Puis il découvrit Nancy et la stupeur se peignit sur ses traits. 
    – Entrez ! 
    – Oh, Jack ! 
    Nancy se jeta dans les bras de son frère, le corps de nouveau secoué de sanglots. 
    Jack interrogea Ariana du regard, mais celle-ci lui fit simplement signe d’attendre. Déconcerté, il conduisit sa sœur vers la chaise longue. 
    – Assieds-toi, Nancy. 
    Ariana se hâta vers la cuisine. 
    – Je vais faire du thé. 
    Tout en s’affairant, elle prêtait l’oreille aux explications de Nancy, entrecoupées par les interjections outragées de son frère. Elle allait avoir deux personnes bouleversées sur les bras ! 
    Lorsqu’elle revint avec le thé, Jack arpentait d’un pas vif l’atelier. 
    – Tranville a assez interféré dans nos affaires de famille. Il est grand temps que je m’occupe de lui ! 
    Nancy blêmit. 
    – Maman n’aimerait pas que tu te querelles avec lui, tu le sais. 
    Ses yeux s’agrandirent soudain de terreur. 
    – Tu ne vas pas le provoquer en duel, n’est-ce pas ? 
    – Cela lui ferait le plus grand bien ! marmonna Jack. 
    Sur quoi Nancy se remit à pleurer. 
    – Non, je t’en prie ! 
    Ariana déposa en hâte son plateau et vint s’asseoir près d’elle. 
    – Mais non, votre frère ne va pas se battre. N’est-ce pas, Jack ? 
    Il ne répondit pas tout de suite, toujours occupé à marcher de long en large. 
    – Non, bien sûr, dit-il enfin. Mais j’ai bien l’intention de le remettre à sa place. 
    Ariana montra le thé d’un geste. 
    – Rafraîchissons-nous un peu et tâchons de nous calmer. 
    Jack refusa, le regard toujours brillant de colère. 
    – Je ne veux pas de thé, dit-il en marchant sur sa chambre. Il faut d’abord que je me change. 
    Nancy le regarda disparaître avec appréhension. 
    – Etes-vous sûre qu’il ne va pas se battre en duel ? 
    Ariana lui pressa la main. 
    – J’en suis certaine, soyez sans inquiétude. 
    – Il déteste tellement Tranville ! 
    Et il n’était pas le seul, songea la jeune femme. Elle haïssait cet homme de causer tant de chagrin à ceux qui lui étaient chers. 
    – Buvez ceci, enjoignit-elle en servant Nancy. Vous vous sentirez mieux ensuite. 
    La jeune fille but une gorgée de thé et soupira. 
    – Si seulement je pouvais voir Michael ! J’aimerais tant lui parler… 
    – Quand deviez-vous le revoir ? 
    – Ce soir au dîner. Mais je n’aurai sans doute pas l’occasion d’être seule avec lui. 
    L’horloge de la cheminée sonna la demie de 16 heures. Jack sortit de la chambre en nouant sa cravate. Il jeta un regard interrogateur à Ariana. 
    – N’êtes-vous pas en retard pour le théâtre ? 
    – Mon Dieu, c’est ma faute ! s’écria Nancy, inquiète. C’est moi qui vous ai pris votre temps. 
    Ariana lui tapota la main. 
    – C’est un privilège des actrices que de se faire parfois attendre ! 
    Elle prit Nancy