Les pièges du désir
entretenait Mary Vernon lui aurait créé un très embarrassant problème. Ullman était arrivé au bon moment.
– Vous avez négocié avec Ullman pour vous débarrasser de ma mère et liquider ainsi tout éventuel obstacle à votre mariage, accusa-t–il.
Les yeux de Mary Vernon s’emplirent de larmes.
– Est-ce vrai, Lionel ?
– Je dois me marier, Mary, se défendit le général. Il est de mon devoir de perpétuer mon titre et d’engendrer des fils. La guerre a déjà failli me prendre mon seul héritier. Ne voyez-vous pas que la blessure d’Edwin aurait pu lui coûter la vie ?
Mary s’écarta brusquement.
– Je… j’en ai assez entendu. Il faut que j’aille me concerter avec la cuisinière pour le dîner.
Jack la regarda s’enfuir, le cœur serré. Il avait de la peine de la voir si malheureuse. Mais il était grand temps qu’elle regarde la réalité en face au sujet de Tranville.
A peine eut-elle disparu que Tranville s’en prit à lui.
– Je ne vous félicite pas ! C’est votre faute, tout cela.
Jack se mit à rire.
– Ma faute ? Il me semble que c’est plutôt vous, le responsable.
Tranville roula des yeux.
– Je refuse de m’excuser pour avoir arrangé un mariage qui est bien plus que votre sœur ne mérite. Et qui la mettra à l’abri du besoin, ainsi que votre mère.
– Cessez de jouer la comédie ! Vous vous moquez bien de l’intérêt de ma mère. Vous avez fomenté ce plan pour vous débarrasser de votre maîtresse et prendre dans vos filets quelque jeune fille aussi infortunée que ma sœur, qui croira en vos promesses de fidélité.
– Vous me calomniez ! cria le général, outragé. Avez-vous oublié qui je suis ?
– Qui vous êtes ? Je ne le sais que trop bien, repartit Jack en baissant la voix. Vous êtes l’homme qui garde ma mère sous la main et se sert d’elle pour assouvir ses besoins !
Le visage de Tranville vira au cramoisi.
– Espèce d’insolent ! Voilà comment vous me remerciez d’avoir usé de ma position pour aider votre famille ? Votre sœur a de la chance qu’un gentilhomme accepte de l’épouser, laissez-moi vous le dire. Surtout un pair du royaume !
Jack se pencha, le visage à quelques centimètres du sien.
– Ma sœur ferait honneur à n’importe quel homme. C’est une jeune fille très bien.
– Allons donc ! Elle est éclaboussée par la conduite de sa mère.
– Que vous vous êtes chargé de déshonorer !
– Ingrat ! J’ai sauvé votre mère de la pauvreté.
– Même si c’était vrai, vous auriez pu lui venir en aide sans lui demander de vous ouvrir son lit en échange, rétorqua Jack, furieux.
L’envie le tenaillait de jouer des poings et il avait le plus grand mal à se contrôler. Il n’avait pas ressenti une telle rage depuis Badajoz, quand il avait trouvé Edwin en train de violenter la Française. Le grondement du canon résonnait de nouveau à son oreille.
– C’est mon argent qui a payé vos études ! éructa Tranville. Et votre brevet d’officier !
– C’était l’argent que ma mère a économisé.
– Parce que j’étais assez généreux avec elle pour qu’elle puisse se le permettre !
Jack se détourna, tâchant d’ignorer le son des mousquets qui crépitaient dans sa tête. Il devait rester dans l’instant présent. Le combat qu’il lui fallait mener à cette heure était contre Tranville, pas contre des fantômes.
– Ne jouez pas les généreux au grand cœur, dit-il, élevant la voix pour couvrir le vacarme imaginaire. Ma mère continue à payer pour ce que vous lui avez donné. Au gré de vos caprices…
En sortant, Mary Vernon avait laissé la porte entrouverte ; les domestiques pouvaient entendre chaque mot de leur altercation. Il n’en avait cure. Il se battait sur deux fronts à la fois – la bataille qui faisait rage en lui et celle qui l’opposait au général.
***
Nancy descendit du fiacre et marcha vers sa porte. Elle entendait les éclats des voix de Jack et de Tranville derrière les vitres du salon, mais ne comprenait pas ce qu’ils disaient. Elle eut d’abord un mouvement de recul, détestant les conflits. Puis elle se reprit, honteuse de sa couardise. Il s’agissait d’elle, après tout. Tout à l’heure, elle avait été lâche de s’enfuir. La femme adulte qu’elle était désormais devait affronter ses responsabilités. C’était son mariage
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