Les pièges du désir
De quel droit ?
Les yeux de Tranville jetèrent des éclairs.
– L’intérêt que j’éprouve pour les vôtres. Cela vous suffit-il ?
– Lord Ullman est un homme riche, intervint Mary.
– C’est possible. Et si c’est quelqu’un de convenable et que Nancy souhaite l’épouser, je n’y verrai pas d’objection. Mais pour l’heure, nous ne savons rien de lui. Tranville a conclu l’arrangement sans en toucher mot à Nancy, à vous ou à moi.
Tranville fit un pas vers lui.
– Comment osez-vous discuter mes décisions ? Ullman est un gentilhomme. J’ai conclu ce mariage parce que j’y ai vu une chance inespérée d’aider votre sœur, et je l’ai saisie au vol.
– Nancy ne peut que souhaiter l’épouser ! assura Mary. Ce mariage lui assurera la sécurité.
Jack ignora Tranville et s’adressa à sa mère.
– D’après ce que je comprends, c’est surtout vous qui aurez la sécurité.
– Assez ! aboya Tranville. J’en ai déjà trop entendu.
Mary Vernon semblait perplexe.
– Moi, j’aurai la sécurité ? Je ne comprends pas ce que tu veux dire, mon fils.
Jack désigna Tranville d’un geste du menton.
– Il est convenu entre ces messieurs que lord Ullman prendra votre existence en charge après le mariage. Tranville aurait-il négligé de vous en informer ?
Mary se tourna vers le général, les yeux écarquillés.
– Est-ce vrai, Lionel ?
Tranville darda sur Jack un regard meurtrier.
– Comprenez-moi, Mary, je n’ai pas voulu vous ennuyer avec ces détails.
– Ma mère est légalement responsable de Nancy, coupa Jack. Elle est en droit de connaître tous les détails, surtout quand elle est personnellement concernée.
Mary Vernon se tordait les mains.
– J’ai seulement pris en compte votre aversion des chiffres, lui dit Tranville. Je sais que vous détestez les comptes.
– Tout de même, j’aurais préféré être au courant de cela, répondit-elle dans un souffle.
– Vous auriez pu aussi faire appel à moi, intervint Jack. Je suis le frère de Nancy et, en tant que tel, il aurait été logique que je m’occupe de l’aspect financier de son mariage.
– Vous ?
Tranville eut un rire dédaigneux.
– Que savez-vous de ces choses-là ?
– J’ai vécu dans le monde, je sais ce que cela coûte.
Il y avait presque deux ans qu’il subvenait à ses propres besoins, avec sa demi-solde et ses revenus de peintre.
– Et je connais ma sœur, ajouta-t–il.
Mary Vernon cilla, le regard levé vers Tranville.
– Je ne savais pas que vous souhaitiez être déchargé de mon entretien, Lionel.
Il tendit la main vers elle, mais elle recula d’un pas.
– Mary, ma chérie, je ne renierai jamais les promesses que je vous ai faites. Cet arrangement me permet justement de m’en acquitter ! Sinon, je ne l’aurais jamais proposé.
– Il vous permet surtout d’économiser une jolie somme, commenta Jack, sarcastique.
– Ce n’est pas cela que j’avais en vue. J’ai pensé à la réputation de votre mère, voilà tout.
– Ma réputation ! se récria Mary.
– En laissant à Ullman le soin de subvenir à vos besoins, je vous rends votre honneur intact, ma chérie.
Devant son air sceptique, il s’avança pour lui caresser le bras.
– Personne ne trouvera rien à redire au fait que votre gendre vous entretienne. Ainsi, votre fille ne risquera pas d’être rejetée par la bonne société. Ni vous. Il n’y aura plus la moindre inconvenance dans votre situation.
Mary demeurait visiblement blessée.
– Vous ne parliez pas d’inconvenance jusqu’ici !
– Cela semblait même le cadet de vos soucis, dit Jack.
Tranville lui jeta un regard irrité et passa un bras autour des épaules de Mary.
– Ma chérie, la situation n’est plus la même, vous le comprenez. A présent que j’ai un titre, je suis dans l’obligation de me remarier.
Elle se dégagea dans un sursaut.
– Vous remarier ?
– Bien sûr, il le faudra…
Il prit un air de regret auquel Jack ne se laissa pas prendre un seul instant.
– Espèce d’hypocrite ! Dites plutôt que vous avez le projet de vous remarier.
Tout était clair pour lui à présent. Il comprenait pourquoi Tranville s’était si soudainement détourné d’Ariana. Il devait courtiser quelque jeune fille de bonne famille. Expliquer au riche papa de la demoiselle qu’il
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