Les pièges du désir

empourprées. J’ai cru comprendre que… 
    Tranville se hâta de l’interrompre. 
    – Allons, allons, laissez cela. C’est de vous qu’il s’agit, mon enfant, pas de votre mère. 
    Nancy le regarda, surprise. Sa mère ignorait-elle cette partie du marché ? 
    – Mais vous… 
    – Chut ! coupa-t–il encore, les yeux flamboyants. Ne soyez pas stupide, ma fille. Il serait insensé de rejeter cette offre. 
    – Une union magnifique, renchérit Mary Vernon. Plus que je n’ai jamais osé espérer pour toi, Nancy. 
    La jeune fille se leva d’un bond. 
    – Je… j’ai besoin de réfléchir. Donnez-moi un peu de temps. 
    Elle les écarta tous deux et se dirigea vers la porte. 
    – Il n’attendra pas éternellement ! fit derrière elle la voix menaçante de Tranville. 
    Elle sortit en trébuchant dans le hall et fit quelques pas, indécise. Que faire à présent ? Et où aller ? 
    – Nancy ? appela sa mère depuis le salon. 
    Poussant un petit cri, Nancy ouvrit la porte d’entrée et se précipita dans la rue telle qu’elle était, sans manteau, ni chapeau ni gants. Elle ne savait qu’une chose – il lui fallait trouver un endroit où elle puisse enfin respirer à l’air libre. 
    – Miss Vernon ! s’exclama derrière elle une voix féminine. Miss Vernon, arrêtez-vous, je vous prie ! 
    Sans même tourner la tête, Nancy se mit à courir. 
    ***
    Revigorée par sa séance de pose et optimiste quant à l’avenir du portrait, Ariana sortait de l’atelier lorsque la sœur de Jack la dépassa en trombe. Elle n’hésita pas un instant. Si elle rentrait prévenir Jack, elle risquait de la perdre de vue. Elle s’élança donc derrière elle. 
    – Nancy ! 
    La jeune fille ne parut pas l’avoir entendue. Apparemment, elle se dirigeait droit vers la rivière. Le sang d’Ariana ne fit qu’un tour. Elle rattrapa la fuyarde sur la rive et l’empoigna par le bras. 
    – Que faites-vous, au nom du ciel ? Que s’est-il passé ? 
    Il fallut quelques secondes à Nancy pour la reconnaître. 
    – C’est vous, miss Blane ? 
    – Vous vouliez vous jeter à l’eau ? s’enquit Ariana, dont le cœur cognait encore. 
    Nancy secoua la tête. 
    – Je… je veux aller à Somerset House. Il faut que je voie Michael. 
    Ariana lui passa un bras autour des épaules. 
    – Je comprends… Mais pourquoi voulez-vous le voir ? 
    – Oh, miss Blane ! 
    Nancy lui jeta les bras autour du cou et éclata en sanglots. 
    – C’est si horrible ! Qu’est-ce que je vais faire ? 
    Ariana la laissa pleurer un instant ; puis elle la questionna de nouveau et lui arracha bribe après bribe toute l’histoire. Tranville avait arrangé un mariage entre lord Ullman et cette pauvre enfant. 
    – Le pire, c’est que ma mère le veut aussi, hoqueta Nancy. Lord Ullman, vous vous rendez compte ? Il est assez vieux pour être mon père. Et il est si gros ! 
    Elle fut secouée par une nouvelle crise de larmes et Ariana lui tapota le dos jusqu’à ce qu’elle se calme. 
    – Là, là ! Je suis sûre qu’il y a un moyen d’éviter cela. 
    – Quoi donc ? On ne peut rien faire ! 
    Ariana lui prit le bras. 
    – Il faut tout dire à Jack. Venez ! 
    Mais Nancy se dégagea d’un geste brusque. 
    – Jack déteste lord Tranville. Il risque de le provoquer en duel ou Dieu sait quoi ! 
    – Jack vous viendra en aide, j’en suis sûre. Il faut vous confier à lui. 
    – Personne ne peut m’aider, murmura Nancy, qui enfouit son visage dans ses mains. 
    Après avoir sangloté un moment, elle releva la tête et exhala un long soupir. 
    – D’accord. Allons parler à Jack. 
    Elle tremblait comme une feuille. Ariana ôta sa cape et la lui drapa sur les épaules. Puis elle la soutint tandis qu’elles rebroussaient chemin vers l’atelier. 
    – Le problème, c’est que si j’épouse lord Ullman, il prendra aussi maman à sa charge. Lord Tranville a arrangé cela avec lui. Si je refuse, il risque de nous couper les vivres et nous n’aurons plus rien pour subsister. 
    Ariana faillit trébucher. 
    – Lord Tranville subvient encore aux besoins de votre mère ? Je pensais que leur relation appartenait au passé. 
    – Oh, non. Il n’a jamais cessé de nous entretenir. Sans lui, nous serions dans la misère. Maman aura le cœur brisé si elle apprend qu’il ne veut plus payer pour elle. 
    Ariana avait bien compris que Mary Vernon avait été autrefois