Les pièges du désir
préviens, cela ne ressemble à aucun portrait que vous ayez vu.
Il eut un sourire éloquent.
– Comment pourrait-il en être autrement, puisque c’est le vôtre ?
Elle eut un petit rire amusé.
– Pas le mien, milord, celui de Cléopâtre !
Puis elle s’écarta pour lui laisser voir le tableau. Tranville se figea, les yeux écarquillés.
– N’est-ce pas qu’il est grandiose ? s’exclama-t–elle, exagérant l’enthousiasme qui vibrait dans sa voix.
Tranville ne parlait toujours pas, mais son teint avait viré au pourpre. Magnifique ! C’était exactement la réaction qu’elle espérait.
Elle en rajouta encore.
– J’ai hâte de voir cette image s’étaler sur les affiches et dans les magazines. Cela va attirer des foules de gens au théâtre, vous ne croyez pas ? Tout le monde va en parler !
Tranville regardait toujours, les yeux exorbités.
Le portrait semblait encore plus sublime que la dernière fois qu’elle l’avait vu. Cléopâtre était étendue sur la chaise longue, le visage tourné vers l’artiste, son expression montrant exactement ce que ressentait Ariana quand Jack était sur le point de lui faire l’amour. Ses cheveux défaits cascadaient sur ses épaules comme si elle était prête à se mettre au lit et ses lèvres rouges et légèrement renflées appelaient le baiser. Le rose nacré de sa peau transparaissait à travers l’étoffe diaphane de la robe, abandonnant peu de chose à l’imagination. On voyait clairement qu’elle était nue sous le tissu transparent.
– Que… que signifie cela ? bégaya enfin Tranville.
Elle fit semblant de ne pas comprendre.
– Eh bien, c’est Cléopâtre, vous voyez bien. En séductrice… La plupart des artistes l’ont représentée mourante après s’être fait mordre par l’aspic. Mais j’ai pensé que ce serait d’un pathétique trop convenu. Ce portrait montre le pouvoir qu’elle exerçait sur les hommes, et aussi son ambition. N’aimez-vous pas ces blancs que Jack a su utiliser dans toutes leurs nuances ? Le décor forme un tel contraste avec la présence si physique de la reine !
Tranville crispa les poings.
– Mais… mais vous êtes nue !
Elle rit comme à une plaisanterie.
– Nue ? Pas du tout… excepté les pieds !
Ses pieds étaient dénudés en effet, excepté l’anneau d’or que Jack avait peint à l’un de ses orteils.
– Vous vous êtes déshabillée devant Jack ! rugit-il, une lueur dangereuse dans les yeux.
Elle afficha un sourire patient.
– Déshabillée ? Mais non ! Je suis vêtue en Cléopâtre, voilà tout.
– De qui était cette idée ? Je veux dire – de poser nue. Est-ce Jack qui a eu l’audace ?
Elle se força à rester enjouée, malgré la peur qui sourdait en elle.
– C’était mon idée à moi, bien entendu. Qu’est-ce que Jack savait de Cléopâtre ?
Tranville fit volte-face et la foudroya du regard.
– Que s’est-il passé ici pendant que vous m’interdisiez l’accès de cet atelier ? Bon sang ! Je n’ai pas payé Jack pour qu’il couche avec vous !
Elle recula d’un pas.
– Coucher avec moi ? Vous plaisantez ! Vous avez commandé un portrait, qui devait être ma possession, faut-il vous le rappeler ? J’ai donné des directives à Jack, et j’aime ce qu’il a fait.
– Ne me racontez pas d’histoires, Ariana ! Je ne suis pas quelqu’un à qui on peut débiter impunément des mensonges.
Elle prit sur elle pour rester impavide.
– Cette fois, vous êtes franchement ridicule. Personne ne vous a obligé à vous attacher à moi, monsieur. Je suis une actrice et je me comporterai toujours comme telle. Ce portrait me convient parfaitement. Il incitera les gens à venir me voir jouer. On parlera de moi, comme on parlait de ma mère au temps de sa splendeur. C’est précisément ce que je voulais.
– Essayez-vous de me faire prendre des vessies pour des lanternes ? Parce que si c’est le cas, je vous préviens que je n’aime pas cela.
Ariana fit appel à son talent d’actrice.
– Mais pas du tout, lord Tranville ! Ce portrait va me rendre célèbre. Je vais faire sensation à Londres.
Tranville ne s’en laissa pas conter.
– C’est Jack…, marmonna-t–il d’une voix furieuse.
Il pointa le tableau du doigt.
– C’est lui qui vous a convaincue de poser ainsi et vous a raconté ces fadaises.
Elle lui jeta un
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