Les pièges du désir

l’air franchement soulagé. 
    – Celui-ci me plaît beaucoup, vraiment. 
    Ce qui ne l’empêcha pas de tourner vers Jack un regard sévère. 
    – Il n’en reste pas moins que vous avez pris des libertés intolérables en peignant l’autre. Vous avez placé cette jeune dame dans une situation scandaleuse. 
    Jack montra la toile posée sur le chevalet. 
    – Ce tableau-là est pourtant le meilleur. 
    Ariana déglutit, émue de le voir défendre son travail avec tant de conviction. 
    – C’est vous qui avez incité miss Blane à poser pour vous dans cette tenue indécente, accusa Tranville en pointant le menton. 
    Jack serra les mâchoires. 
    – Elle n’a pas posé pour ce portrait, seulement pour l’autre. Celui que vous incriminez est né de mon imagination. 
    Ariana sentit les larmes lui monter aux yeux. Jack et elle essayaient de se protéger mutuellement ! 
    – S’il dit vrai, pourquoi avoir prétendu que c’était votre idée ? lança Tranville en se tournant vers elle. 
    – Parce que c’est ce portrait-là que je veux montrer aux gens. 
    – Sottises ! aboya-t–il. Il faut le détruire, et vous allez vous en charger, Jack. L’autre ira chez le graveur. Quand sera-t–il prêt ? 
    – Dans quelques jours. 
    – Envoyez-moi un message et je le ferai chercher. 
    Il accompagna l’injonction d’un claquement de doigts, comme s’il avait donné un ordre à un serviteur. 
    Jack le défia du regard. 
    – Vous me devez deux tableaux. Donnez-moi mon argent ou vous n’aurez rien du tout ! 
    Tranville rit bruyamment. 
    – Vous serez payé, n’ayez crainte. Mais je veux une autre copie. 
    Il fit quelques pas vers la porte, s’arrêtant à mi-chemin pour s’adresser à Nancy. 
    – Ullman a dû vous inviter au théâtre, je pense. Avez-vous accepté ? 
    – Oui, milord. 
    – Votre mère et votre frère aussi ? 
    – Lord Ullman nous a tous conviés à l’accompagner. 
    Tranville eut un sourire satisfait. 
    – Parfait ! Miss Blane et moi partagerons votre loge. Elle ne joue pas ce soir. 
    Il jeta un regard significatif à Ariana. 
    – Venez, ma chère. 
    Ariana se révulsa au seul son de sa voix. Elle jeta un coup d’œil désespéré à Jack, qui lui opposa un visage fermé, aux mâchoires contractées. Elle ne pouvait, hélas, le blâmer d’être en colère. Et que pouvait-elle faire ? Si elle restait en arrière pour tenter de se justifier, elle ne ferait que nourrir les soupçons du général. La seule façon d’accréditer la fiction selon laquelle Jack n’avait fait qu’exécuter ses directives, c’était de partir avec Tranville. Elle prenait ses menaces au sérieux et avait bien l’intention de faire tout ce qui était en son pouvoir pour protéger Jack et sa famille. Si seulement elle avait su quoi faire ! 
    Avant de franchir la porte avec Tranville, elle lança un dernier regard à Jack, le suppliant de comprendre et de lui pardonner. Mais il se détourna purement et simplement. 
    – J’ai demandé à mon cocher de faire marcher un peu les chevaux, dit Tranville lorsqu’ils furent dans la rue. Il ne va pas tarder à revenir. 
    Elle se dégagea brusquement. 
    – C’est sans importance, je vais marcher. 
    Il la saisit fermement par le bras. 
    – Certainement pas, miss Blane. Nous avons encore à parler. 
    Une fois dans la voiture, il fouilla dans sa poche et en sortit l’écrin de velours qui contenait le bracelet. 
    – J’aimerais que vous le portiez ce soir. 
    Elle repoussa la boîte. 
    – Je n’ai pas accepté votre invitation, pas plus que votre offre de mariage, monsieur. 
    Il lui tendit de nouveau l’objet. 
    – Prenez-le, vous dis-je. Vous allez m’accompagner ce soir, ou je vous jure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour détruire la vie de vos chers amis. Je ne doute pas que cette perspective n’influence votre décision. 
    Il s’arrêta un instant pour donner plus de poids à ses paroles. 
    – Et vous allez accepter ma proposition de mariage. Pour les mêmes raisons. 
    Que pouvait-elle faire ? Elle prit le bracelet à son corps défendant. 
    – Soyons clairs, milord – je le garderai seulement s’il ne m’oblige à rien. 
    Il eut un rire diabolique. 
    – Oh, ce n’est pas le bracelet qui vous oblige , ma chère ! 
    ***
    La tête dans les mains, Jack ressassait sa déception et sa colère. Ce portrait, pour lui, c’était un secret entre Ariana et