Les pièges du désir
lui, qui ne pouvait être partagé avec personne. Le montrer à Tranville, c’était comme inviter cet homme dans leur chambre à coucher.
Il se sentait blessé jusqu’au fond du cœur. Ariana l’avait trahi de la pire des façons, en usant de son art de peintre pour parvenir à ses fins. Tout ce qu’elle voulait, c’était créer un scandale, afin qu’on parle d’elle et que les spectateurs affluent pour la voir jouer. Mais comment avait-elle pu s’imaginer que Tranville marcherait dans son plan ?
Jack émit un long soupir. Tout ce qu’il cherchait, lui, c’était le bonheur de ceux qu’il aimait. Ou plus exactement… Il secoua la tête, incapable de se mentir à lui-même. Il voulait peindre, et comme Ariana, il voulait que les gens admirent ses œuvres. Elle n’était pas la seule à avoir de l’ambition. La sienne à lui l’avait conduit à exécuter ce portrait.
Il entendit Nancy revenir vers le chevalet.
– Jack, tu n’as jamais parlé de ce tableau à personne. Pourquoi l’avoir gardé secret ?
Il se leva pour la rejoindre.
– La raison en est évidente, non ?
Elle recula d’un pas pour examiner de nouveau la toile.
– Ce qui est évident, c’est qu’elle a bel et bien posé pour cette peinture.
Il opina.
– C’est vrai, mais j’ai pensé qu’il valait mieux le nier devant Tranville. Cette version-là n’était pas faite pour le public.
– Mais il est magnifique ! s’exclama-t–elle d’une voix vibrante d’émotion.
Elle jeta un regard vers l’autre, comparant les deux.
– Celui-là n’est pas aussi bon.
Il se frotta le front, embarrassé.
– Voyons, Nancy, ce n’est pas une peinture convenable. Tu devrais être scandalisée !
Elle lui jeta un regard blasé.
– Tu oublies que nous avons grandi dans le scandale, toi et moi.
Il eut mal pour elle. Sa petite sœur bien-aimée… Il avait tant espéré la protéger de tout cela. Et voilà ce que la vie lui avait réservé !
– Nancy, ce n’est pas un scandale de plus qui nous tuera, tu sais. Tu peux encore refuser Ullman.
Elle détourna la tête.
– N’en parlons plus, Jack. Ma décision est prise.
– Mais…
Elle darda sur lui des yeux étincelant de colère.
– Cesse de retourner le couteau dans la plaie, veux-tu ! Je vais épouser Ullman, un point, c’est tout.
Elle revint au portrait, montrant ainsi que la discussion était définitivement close.
– Sais-tu pourquoi je préfère celui-ci ?
Et comme il secouait la tête :
– Tu as su…
Sa voix se fêla sur ces mots.
– Tu as su y mettre tout ton amour pour elle. On le sent dans chaque coup de pinceau.
Jack sentit son cœur se briser pour elle.
– Nancy…
Elle eut un petit sourire triste.
– Non, Jack, c’est de toi que nous parlons. Tu ne peux nier que tu l’aimes. Pas quand j’ai cette preuve sous les yeux…
Il ne voulut pas admettre la vérité, de crainte d’alourdir le chagrin de sa sœur.
– Ce n’est qu’une peinture, Nancy. Rien de plus.
Elle s’assit près de lui et lui prit les mains.
– Fais quelque chose pour moi, frérot – cesse de prétendre que tu n’aimes pas Ariana. Et si tu lui as fait accroire cela, eh bien, dépêche-toi de lui avouer tes véritables sentiments.
Elle lui secoua les mains.
– Tu dois le faire, entends-tu ?
– Nancy… C’est compliqué, tu sais.
Elle eut un rire sans joie.
– Je commence à penser que l’amour n’est jamais simple !
Chapitre 18
Ariana s’installa à contrecœur dans la loge. Assis entre son fils et elle, Tranville triomphait. Dieu savait qu’elle les méprisait tous les deux !
– Cette soirée, c’est de la pure cruauté de votre part, monsieur. Je croyais que vous aviez de l’affection pour Mme Vernon.
Il parut surpris.
– Mais j’ai beaucoup de tendresse pour elle, je vous assure ! C’est bien pourquoi je l’ai incluse dans cette invitation.
Elle n’en crut pas ses oreilles.
– Ne pensez-vous pas qu’il puisse être douloureux pour elle d’être obligée de supporter ma présence ?
– Je ne vois pas pourquoi. Mary comprend parfaitement que je dois me marier.
Il agita la main d’un geste débonnaire.
– C’est une très brave femme, vous savez. Elle m’a toujours compris.
Ariana secoua la tête.
– Et vous voulez la récompenser de sa constance en lui coupant les
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