Les pièges du désir

languide à l’intérieur, et c’était une impression merveilleuse. 
    Brusquement, il releva la tête et s’écarta d’elle de la longueur d’un bras. Pour elle, ce fut comme s’il s’était éloigné à l’autre bout du monde. 
    – Je ne suis pas sûr de pouvoir me contrôler, Nancy. Nous devons faire attention. 
    Il respirait aussi vite et fort que tout à l’heure, quand ils avaient couru. 
    Nancy comprit soudain quelque chose. Ce qu’ils étaient en train de vivre là, c’était ce qu’éprouvaient un homme et une femme avant d’aller au lit ensemble. Elle se sentit femme pour la première fois et pressentit ce que pouvaient être les plaisirs de l’amour. 
    Avec l’homme qu’il fallait. 
    Les larmes jaillirent de nouveau de ses yeux. 
    – Je ne veux pas être prudente. Je ne veux pas me séparer de vous, jamais ! Mais que puis-je faire ? 
    Un tremblement agita la lèvre de Michael. 
    – Je ne peux rien vous offrir, Nancy, à part mon amour. Je n’ai ni argent, ni situation, ni la moindre perspective d’avenir tant que je n’aurai pas terminé mes études. 
    – Et vous retournerez ensuite à Bath ? Un emploi vous attend là-bas… 
    Il lui avait plusieurs fois raconté qu’un architecte de Bath, grand ami de son père, était prêt à le prendre dans ses bureaux. 
    Michael fit un effort pour se reprendre. 
    – C’est ce que j’ai l’intention de faire, en effet. 
    Ce qui signifiait qu’il serait prêt à se marier dans un an. Un an… Ce n’était rien ! 
    – Si seulement je n’étais pas acculée ! murmura-t–elle en étouffant un sanglot. 
    – Jack assure qu’il peut vous faire vivre, votre mère et vous. 
    – Oui, c’est ce qu’il croit. 
    Elle porta une main à son front. 
    – Mais Tranville a juré de le ruiner, en plus de couper les vivres à maman. 
    Sans compter qu’il pouvait aussi bien ruiner l’avenir de Michael… 
    – Puis-je leur faire courir ce risque ? Je ne me pardonnerais jamais s’ils devaient souffrir à cause de moi ! 
    Michael détourna les yeux. 
    – Si l’on me laissait ne serait-ce qu’une année, je vous jure que je subviendrais à vos besoins et à ceux de votre mère. Et je presserais mon père d’aider Jack à obtenir des commandes… 
    – Michael… Vous êtes un amour ! 
    Elle s’enhardit jusqu’à emprisonner sa main dans les siennes. 
    – Je voudrais tellement que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve et que nous soyons de nouveau à Bath… 
    Il eut un sourire espiègle et lui pressa la main. 
    – A Bath, nous ne nous étions pas encore rencontrés ! 
    Elle battit des cils. 
    – Mais nous nous connaissons à présent. 
    – Où… où se trouve le domaine de lord Ullman ? demanda-t–il d’une voix fêlée. 
    – Dans le Lincolnshire. 
    Loin, bien loin de Bath. Là-bas, elle ne reverrait jamais Michael. Si au moins elle avait pu vivre non loin de lui et savoir qu’elle le rencontrerait quelquefois, elle aurait pu lutter contre le désespoir. Mais il ne viendrait jamais dans le Lincolnshire, inutile de rêver. 
    Ses larmes se remirent à couler et Michael la reprit dans ses bras. 
    – Je regrette tellement, Nancy. Tellement… 

Chapitre 17 
    Ariana passa un après-midi plutôt sinistre. Heureusement, M. Kean fit annuler la répétition du jour pour cause de maladie. Personne ne s’aperçut qu’elle était incapable de se rappeler ses répliques, ses déplacements sur la scène ou quoi que ce soit d’autre… excepté que Jack avait évité son regard quand elle avait quitté l’atelier. 
    Elle aurait tant voulu être définitivement débarrassée de Tranville ! L’homme assombrissait la vie de tous ceux qu’il approchait, c’était un fait. 
    Ce soir-là, elle évita la Green Room et demanda à son collègue Henry de la raccompagner chez elle. Sous le sceau du secret, elle lui révéla que Tranville l’avait demandée en mariage. Mais elle ne lui dit rien de son amour pour Jack. 
    – Bon sang ! s’exclama-t–il en roulant des yeux. C’est la nouvelle du siècle, et voilà que je n’ai même pas le droit d’en parler ! 
    Ariana eut un petit rire. 
    – Ce n’est tout de même pas si important ! 
    Un brouhaha de voix excitées montait d’une taverne voisine. Il régnait dans les rues une atmosphère tendue, contrairement au soir où Jack et elle avaient fait ce trajet ensemble. Bien entendu, c’était à cause de la loi sur les