Les Piliers de la Terre
à
la lueur du feu ou à coudre au pied des torches, mais ici rien ne bougeait.
Jack hésita. L’église semblait le contempler d’un air accusateur, comme si elle
savait ce qu’il projetait. D’un haussement d’épaules, il chassa cette
impression déplaisante et traversa la pelouse jusqu’à la façade ouest.
La porte
était fermée à clé.
Il fit le
tour jusqu’au côté nord et examina les fenêtres de la cathédrale : assez
grandes pour qu’il pût s’y glisser, mais hélas hors de son atteinte. Il explora
des doigts la maçonnerie, à la recherche des fissures, mais sans en trouver
aucune susceptible de lui fournir une prise. Il avait besoin de quelque chose
qui lui servirait d’échelle.
Il songea
à aller chercher des pierres au pied de la tour écroulée pour construire un
escalier improvisé, mais les moellons intacts étaient trop lourds, et les
brisés trop inégaux. Il avait l’impression d’avoir vu quelque chose dans la
journée qui servirait son dessein. Alors qu’il se creusait la tête pour s’en
souvenir, il aperçut l’écurie par-delà le cimetière baigné de lune et la
mémoire lui revint : un escabeau en bois, avec deux ou trois marches pour
aider les cavaliers de petite taille à monter sur de grands chevaux. Un des
moines, juché dessus, peignait la crinière d’un cheval.
Jack se
rendit à l’écurie pour chercher l’escabeau, un objet qu’on n’enfermait
peut-être pas la nuit, car il ne valait pas la peine d’être volé. Bien que Jack
avançât sans bruit, les chevaux l’entendirent et l’un d’eux s’ébroua et toussa.
Jack s’arrêta, affolé. Et si des palefreniers dormaient dans l’écurie ? Il
s’immobilisa un moment, l’oreille tendue, mais tout était calme et les chevaux
s’apaisèrent.
Il ne
voyait pas l’escabeau. Peut-être était-il rangé contre le mur. Avec précaution,
Jack longea l’écurie. Les chevaux s’énervèrent. L’un d’eux hennit. Jack se
figea sur place. Une voix d’homme cria : « Doucement,
doucement. » Jack vit soudain l’escabeau juste sous son nez, à un pas. Il
attendit quelques instants. Pas un bruit. Il se pencha, saisit l’escabeau et le
posa sur son épaule. Il fit demi-tour et retraversa la pelouse jusqu’à
l’église.
Hélas,
même en grimpant sur la dernière marche de l’escabeau, il n’arrivait pas à la
hauteur des fenêtres : il ne pouvait même pas regarder à l’intérieur. Bien
que n’ayant encore pas pris de décision, il ne voulait pas être empêché d’agir
par des considérations pratiques. Il regretta de ne pas avoir la taille
d’Alfred.
Il fit une
dernière tentative. Il recula, prit un bref élan, sauta sur l’escabeau et se
détendit. Il atteignit sans mal l’appui de la fenêtre et s’y cramponna. D’une
traction il se hissa sur l’appui. Mais en essayant de se glisser par
l’ouverture, il s’aperçut que la fenêtre était bloquée par un treillage
métallique qu’il n’avait pas aperçu de l’extérieur, probablement parce qu’il
était noir. Jack, agenouillé sur le rebord de la fenêtre, le tâta des deux
mains. Pas moyen de passer : il était sans doute là précisément pour
empêcher les gens d’entrer quand l’église était fermée.
Déçu, il
sauta à terre. Il ramassa l’escabeau et alla le remettre à sa place. Les
chevaux cette fois ne bronchèrent pas.
Il examina
la tour écroulée, à gauche de la grande porte. Il escalada prudemment les
pierres au bord de l’éboulis, scrutant l’intérieur de l’église, cherchant un
passage parmi les ruines. Il était inquiet à l’idée que son poids, si modeste
soit-il, pût rompre l’équilibre des pierres et provoquer une avalanche qui
réveillerait tout le monde, même si elle ne le tuait pas. Une fois la lune
revenue, il décida de tenter sa chance. Il commença à monter, fort inquiet. La
plupart des pierres tenaient bon mais une ou deux oscillèrent dangereusement.
C’était le genre d’escalade qui l’aurait amusé en plein jour avec du secours à
portée de la main et la conscience tranquille. Mais, à présent, trop anxieux,
il n’avait plus le pied très sûr. Soudain il glissa sur une surface lisse et
faillit tomber. Il s’arrêta. Il était assez haut pour avoir vue sur le toit du
bas-côté du nord de la nef. Il espérait trouver une ouverture, ou peut-être une
brèche entre le toit et le tas de décombres, mais non, rien. Le toit s’étendait
intact jusqu’à la tour en
Weitere Kostenlose Bücher