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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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cela ne serait arrivé, songea Tom.
Mais ce n’était quand même qu’une bagarre entre garçons. Ou bien Ellen
avait-elle raison de dire que Tom ne voyait pas les défauts d’Alfred ? Le
maçon commençait à penser qu’il avait eu tort. Peut-être aurait-il dû se
montrer plus ferme avec son fils. Des gamins qui se battent entre eux, c’est
normal, mais Jack et Martha étaient plus petits qu’Alfred.
    Il était
trop tard pour revenir en arrière. « Reste au village, fit Tom, désespéré.
Attends un moment de voir ce qui se passe.
    — Les
moines ne me supporteront plus, maintenant. »
    Bien sûr,
elle avait raison. Le village appartenait au prieuré et tous les habitants
payaient un loyer aux moines, en général sous forme de journées de travail, et
les moines pouvaient refuser de loger quiconque ne leur plaisait pas. On ne
pourrait guère leur en vouloir s’ils repoussaient Ellen. Elle avait pris sa
décision et littéralement souillé ses chances de revenir dessus.
    « Alors,
dit-il, je partirai avec toi. Le monastère me doit déjà soixante-douze pence.
Nous reprendrons la route. Nous avons déjà survécu…
    — Et
tes enfants ? » fit-elle doucement.
    Tom se
rappela toutes les fois où Martha avait pleuré de faim. Il ne pouvait décemment
pas lui faire revivre cette épreuve. De plus, il y avait son bébé, Jonathan,
qui vivait ici avec les moines. Je ne veux pas l’abandonner de nouveau, songea
Tom ; je l’ai fait une fois et je m’en suis trop voulu.
    Cependant
il ne supportait pas l’idée de perdre Ellen.
    « Ne
te déchire pas comme ça, dit-elle. Je n’irai plus sur les routes avec toi. Ce
n’est pas une solution. A tous égards ce serait pire que maintenant. Je
retourne dans la forêt, et tu ne viens pas avec moi. »
    Tom la
dévisagea. Il aurait voulu croire qu’elle ne pensait pas ce qu’elle disait,
mais son expression lui prouvait le contraire. Il ne savait quoi dire pour
l’arrêter. La bouche ouverte, aucun mot ne sortit. Elle avait le souffle court,
sa poitrine se soulevait d’émotion. Il aurait voulu la toucher, mais sentait
qu’elle ne le voulait pas. Plus jamais peut-être je ne la serrerai dans mes
bras, pensa-t-il. Il n’arrivait pas à y croire. Pendant des semaines, il
s’était allongé auprès d’elle et l’avait caressée avec la même familiarité
qu’il avait pour son propre corps et voilà tout à coup qu’un interdit tombait
et qu’elle devenait une étrangère. « Ne sois pas triste, dit-elle, les
yeux pleins de larmes.
    — Je
n’y peux rien, dit-il. Je suis triste.
    — Je
regrette de t’avoir rendu si malheureux.
    — Surtout
pas cela. Regrette plutôt de m’avoir rendu si heureux. C’est ça qui me fait
mal, femme. »
    Un sanglot
échappa à Ellen. Elle se détourna et partit sans un mot.
    Jack et
Martha sortirent après elle. Alfred hésita, puis les suivit.
    Tom fixait
la chaise qu’elle venait de quitter. Non, songea-t-il, ça ne peut pas être
vrai, elle ne me quitte pas.
    Il s’assit
sur la chaise, encore tiède de la chaleur de son corps, de ce corps qu’il
aimait tant.
    Il savait
qu’elle ne changerait pas d’avis. Elle ignorait le doute : quand elle
prenait une décision, elle allait jusqu’au bout, même si elle devait le
regretter par la suite.
    Il
s’accrocha à ce maigre espoir. Elle l’aimait, il en était sûr. La nuit passée,
elle avait fait l’amour avec frénésie, comme pour étancher une soif intense. Je
vais lui manquer autant qu’elle me manquera, pensa-t-il. Quand sa colère se
sera apaisée et qu’elle aura retrouvé une vie nouvelle, elle aura envie de
quelqu’un à qui parler, d’un corps robuste à toucher. Alors elle pensera à moi.
    Mais elle
était fière. Trop fière peut-être pour revenir, même si elle en avait envie.
    Il bondit
de sa chaise. Il devait lui dire ce qu’il pensait. Il quitta la maison. Ellen
était à la porte du prieuré et faisait ses adieux à Martha. Tom la rattrapa.
    Elle lui
adressa un triste sourire. « Adieu, Tom. »
    Il lui
prit les mains. « Reviendras-tu un jour ? Juste pour me voir ?
Si je sais que tu ne pars pas pour toujours, que je te reverrai, ne serait-ce
qu’un petit moment, je supporterai la séparation. »
    Elle
hésitait.
    « Je
t’en prie.
    — Entendu,
fit-elle.
    — Jure-le.
    — Je
ne crois pas aux serments.
    — Moi,
si.
    — Bon.
Je le jure.
    — Merci. »
    Il
l’attira doucement à lui et la serra dans ses bras. Les

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