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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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larmes ruisselaient sur
son visage. Elle s’écarta enfin et, à regret, il la laissa partir.
    A cet
instant, une rumeur s’éleva de l’écurie, le bruit d’un cheval énervé qui ruait
et s’ébrouait. Machinalement, ils se retournèrent. Le cheval était l’étalon de
Waleran Bigod : l’évêque s’apprêtait à monter en selle. Ses yeux
croisèrent ceux d’Ellen et il se figea.
    Alors elle
se mit à chanter.
    Tom
l’avait souvent entendue chanter cet air qu’il ne connaissait pas, un air d’une
terrible tristesse. Bien que les paroles fussent en français, il en comprenait
le sens général.
    Une
alouette, prise au filet d’un chasseur Chantait un chant plus doux que jamais,
Comme si les accents de la mélodie Allaient pouvoir dégager l’aile des mailles.
    Le regard
de Tom se fixa sur l’évêque. Waleran semblait terrifié, il était bouche bée,
les yeux grands ouverts, le visage pâle comme la mort. Tom n’en revenait
pas : comment une simple chanson avait-elle le pouvoir d’effrayer un tel
homme ?
    A la
tombée du jour le chasseur prit sa proie Jamais l’alouette ne retrouva sa liberté.
Les oiseaux et les hommes sont assurés de mourir Mais les chansons peuvent
vivre à jamais.
    Ellen
lança : « Adieu, Waleran Bigod. Je quitte Kings-bridge, mais je ne te
quitte pas. Je serai avec toi dans tes rêves. »
    Et dans
les miens, songea Tom.
    Pendant un
long instant, ils parurent tous figés sur place.
    Ellen se
détourna, serrant la main de Jack. Tous la regardèrent en silence franchir les
portes du prieuré et disparaître dans le soir qui tombait.
     

 
     
     
     
     

DEUXIÈME PARTIE
     

I
    Depuis le
départ d’Ellen, les dimanches étaient bien calmes à l’hôtellerie. Alfred jouait
à la balle au pied avec les garçons du village, dans la prairie de l’autre côté
de la rivière. Martha, à qui Jack manquait, faisait semblant de s’amuser à
cuisiner ou à habiller une poupée. Tom travaillait aux plans de sa cathédrale.
    Une ou
deux fois, il avait interrogé Philip sur le projet d’église qu’il voulait
construire, mais le prieur ne paraissait pas disposé à aborder ce sujet. Mille
soucis l’occupaient. Quant à Tom, il ne pensait à rien d’autre qu’à sa
cathédrale, surtout le dimanche.
    Il aimait
s’asseoir sur le seuil de l’hôtellerie pour regarder la pelouse et les ruines
de l’ancien édifice. Parfois, il esquissait des croquis sur un bout d’ardoise,
mais la plupart du travail se faisait dans sa tête. Il savait qu’on éprouvait
en général les pires difficultés pour se représenter des objets solides et des
espaces complexes. Ce n’était pas son cas.
    Même s’il
avait gagné la confiance et la gratitude de Philip pour son travail de
réparation, le prieur le considérait toujours comme un maçon, un tâcheron. Tom
devait lui prouver qu’il était capable de concevoir et de bâtir une cathédrale.
    Un
dimanche, environ deux mois après le départ d’Ellen, il décida de commencer à
dessiner ses plans.
    Il
confectionna un paillasson de roseaux tressés et de souples brindilles
d’environ trois pieds sur deux. Il le dota de bordures en bois bien ajustées
pour que le paillasson ressemble à un plateau. Puis il mélangea de la chaux
avec un peu de plâtre et il recouvrit le plateau de cette mixture. Lorsque le
mortier commença à prendre, il y traça des traits avec une aiguille. Il utilisa
sa règle de fer pour les traits droits, son équerre pour les angles droits et
son compas pour les courbes.
    Il ferait trois
dessins : un dessin en coupe, pour expliquer comment l’église était
construite, une élévation pour en illustrer les magnifiques proportions, et un
plan de sol pour montrer la disposition. Il commença par la coupe.
    Il traça
une haute voûte au sommet plat. C’était la nef. Elle aurait un plafond plat en
bois, comme l’ancienne église. Tom aurait bien préféré bâtir une voûte de
pierre incurvée, mais Philip n’en avait pas les moyens.
    Au-dessus
de la nef, il dessina un toit triangulaire. La largeur du bâtiment était
déterminée par la largeur du toit. Et celle-ci à son tour dépendait du bois
dont on disposait. On ne trouvait pas facilement des poutres de plus de
trente-cinq pieds de long – et encore étaient-elles terriblement coûteuses. La
nef de la cathédrale de Tom aurait sans doute trente-deux pieds de large.
    La nef
qu’il avait dessinée était haute, extraordinairement haute. Mais une

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