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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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qui n’avait pas prévu de passage pour
l’écoulement de l’eau de pluie. Le maçon devrait donc modifier la pente du
toit. Il dit au maître couvreur de transmettre ses instructions à son collègue,
puis il revint à son dessin. La surprise qui l’attendait le laissa sans
voix : Alfred était en bas.
    Dix ans
s’étaient écoulés pendant lesquels ils ne s’étaient pas adressé la parole. De
temps en temps, ils s’étaient vus de loin, à Shiring ou à Winchester. Quant à
Aliena, elle n’avait même pas aperçu Alfred depuis neuf ans, même si, selon les
lois de l’Église, ils étaient toujours mariés. Martha allait voir son frère environ
une fois par an dans sa maison de Shiring. Elle en rapportait toujours les
mêmes nouvelles : il construisait des maisons pour les bourgeois de
Shiring, ses affaires prospéraient, il vivait seul, il n’avait pas changé.
    Aujourd’hui
Alfred n’avait pas l’air prospère du tout. Jack lui trouva l’air fatigué et
abattu. Alfred avait toujours été grand et fort, mais Jack le trouva maigre.
Son visage s’était creusé et la main avec laquelle il repoussa une mèche de
cheveux, jadis large et grasse, était osseuse.
    « Bonjour,
Jack », dit Alfred.
    Son
expression cachait sous une onctuosité forcée une certaine agressivité.
    « Bonjour,
Alfred, fit Jack, méfiant. La dernière fois que je t’ai vu, tu portais une
tunique de soie et tu t’empâtais.
    — C’était
il y a trois ans… avant la première mauvaise récolte.
    — C’est
vrai. » Trois mauvaises récoltes d’affilée avaient provoqué une famine.
Des serfs étaient morts de faim, de nombreux fermiers demeuraient sans
ressources et les bourgeois de Shiring ne pouvaient probablement plus se
permettre de commander de magnifiques maisons neuves en pierre. Alfred en
ressentait les effets.
    « Qu’est-ce
qui t’amène à Kingsbridge, après tout ce temps ? demanda Jack.
    — J’ai
entendu parler de tes transepts et je suis venu voir, fit-il d’un ton où perçait
malgré lui l’admiration. Où as-tu appris cette technique ?
    — A
Paris », répliqua sèchement Jack. Il n’avait aucune envie de discuter de
cette expérience avec Alfred, qui avait été la cause de son exil.
    « Bien. »
Alfred semblait embarrassé, puis il reprit avec une feinte indifférence :
« J’aimerais travailler ici, rien que pour apprendre ces nouveaux
procédés. »
    Jack était
abasourdi. Alfred avait-il vraiment le toupet de lui demander du travail ?
Pour gagner du temps, il interrogea : « Et ton équipe ?
    — Je
travaille tout seul maintenant, répondit Alfred avec autant de nonchalance que
possible. Il n’y a plus assez de travail pour une équipe.
    — De
toute façon, nous n’engageons pas, déclara Jack sur le même ton. Nous avons
tous les hommes qu’il nous faut.
    — Mais
tu peux toujours employer un bon maçon, n’est-ce pas ? »
    Jack
perçut une sorte de supplication sous l’apparente désinvolture et il comprit
qu’Alfred était dans une mauvaise passe. Il décida de jouer franc jeu.
« Après la vie que nous avons eue, Alfred, je suis la dernière personne à
qui tu devrais demander de l’aide.
    — En
effet, tu es la dernière, répondit honnêtement Alfred. J’ai essayé partout.
Personne n’engage. C’est la famine. »
    Jack pensa
à toutes les fois où Alfred l’avait maltraité, tourmenté et battu. C’était
Alfred qui l’avait poussé à entrer au monastère, puis qui l’avait chassé de sa
maison et de sa famille. Il n’avait aucune raison de lui venir en aide :
il avait même tout lieu de se féliciter de son infortune. « Je ne te prendrais
pas, affirma-t-il, même si j’avais besoin d’hommes.
    — Je
pensais que j’avais une chance. Après tout, c’est mon père qui t’a appris ce
que tu sais. C’est grâce à lui que tu es un maître bâtisseur. Tu ne veux pas
m’aider en souvenir de lui ? »
    En
souvenir de Tom, Jack fut pris de remords. A sa façon, Tom avait tenté d’être
un beau-père honnête. Il n’était ni doux ni compréhensif, mais il ne traitait
pas mieux ses propres enfants. Il avait même témoigné beaucoup de patience et
de générosité en transmettant à Jack son savoir et sa compétence. Enfin et
surtout, il avait toujours, ou presque, rendu heureuse la mère de Jack. Après
tout, songea celui-ci, me voilà maître bâtisseur, sur le point de réaliser mon
ambition en construisant la plus belle

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