Les Piliers de la Terre
à
comprendre. Il ne s’agissait pas du tout d’une opération de sauvetage lancée
par des villageois outragés. C’était un raid. Ces individus ne s’intéressaient
ni à Maggie ni à William et à ses chevaliers. Ce qu’ils voulaient, c’était la
farine de William.
Leur
identité ne faisait aucun doute : des hors-la-loi. William eut une bouffée
de chaleur. C’était enfin l’occasion pour lui de régler son compte à cette
meute enragée qui terrorisait le comté et vidait ses granges.
Ses
chevaliers résistaient mal à l’assaut : les attaquants étaient au moins
vingt. William s’étonnait de leur courage. D’ordinaire, les paysans se
dispersaient comme des poulets devant un groupe de chevaliers, même avec l’avantage
du nombre. Mais ceux-là luttaient avec acharnement et ne se laissaient pas
décourager quand l’un des leurs tombait. Ils semblaient prêts à mourir si
nécessaire. A vrai dire, ils mourraient de toute façon de faim, à moins qu’ils
ne puissent emporter la farine.
Louis
combattait deux hommes en même temps lorsqu’un troisième surgit derrière lui et
l’assomma avec un marteau de charpentier. Le chevalier s’écroula et ne se
releva pas. L’homme lâcha son marteau pour s’emparer de l’épée du mort. Il
restait deux chevaliers contre vingt hors-la-loi. Mais Walter, qui se remettait
peu à peu du coup qu’il avait reçu sur la tête, dégaina son épée et se lança
dans la mêlée. William brandit la sienne et vint le rejoindre.
Ils
formaient à eux quatre une formidable équipe. Les hors-la-loi reculaient,
parant désespérément les coups de lame avec leurs gourdins et leurs haches.
William commença à espérer que leur moral faiblisse lorsqu’une voix cria :
« Le comte légitime ! »
C’était
comme un cri de ralliement. D’autres le reprirent et les hors-la-loi
redoublèrent de violence. Le cri répété « Le comte légitime… Le comte
légitime ! » fit frissonner William. Cela signifiait que celui qui
commandait la bande de hors-la-loi avait des prétentions sur le titre de
William. Ce dernier rassembla ses forces et se jeta dans la mêlée comme si
l’avenir du comté en dépendait.
En fait la
moitié seulement des bandits se battaient. Les autres déménageaient la farine.
Le combat tournait à l’échange régulier d’attaques et de parades, de coups et
d’esquives. Comme des soldats qui savent qu’on va bientôt sonner la retraite,
les hors-la-loi se repliaient sur un mode prudent et défensif.
Derrière
eux, les autres emportaient les derniers sacs de farine. Leurs compagnons
commencèrent à reculer par la porte menant de l’aire de battage à la maison.
William constata que les voleurs avaient raflé pratiquement toute la farine. En
un rien de temps, le comté entier saurait qu’on l’avait volée sous son nez. Il
allait être la risée du pays. Cette pensée l’exaspéra tellement qu’il se
précipita sur son attaquant et, d’un coup d’estoc des plus classiques, lui
plongea son épée dans le cœur.
En manière
de réplique, un hors-la-loi assena à Hugh un coup qui toucha celui-ci à
l’épaule droite, le mettant hors de combat. Il y avait maintenant deux
hors-la-loi sur le seuil, tenant tête aux trois chevaliers survivants. C’était
déjà assez humiliant ; mais, avec une incomparable arrogance, l’un d’eux
congédia d’un geste son compagnon. L’homme disparut et le dernier voleur recula
d’un pas, pénétrant dans l’unique pièce de la maison du meunier.
Un seul
chevalier à la fois pouvait tenir dans l’encadrement de la porte pour combattre
le hors-la-loi. William écarta de l’épaule Walter et Gervase : cet
homme-là, il le voulait pour lui. Comme leurs épées s’entrechoquaient. William
comprit vite que son adversaire n’était pas un paysan ruiné : c’était un
guerrier endurci, comme lui, William. Il le regarda vraiment pour la première
fois et le choc fut si grand qu’il faillit en lâcher son épée.
Il avait
devant lui Richard de Kingsbridge.
Le visage
de Richard flamboyait de haine. William distinguait la cicatrice de son oreille
mutilée. La violence de sahaine effrayait William encore plus que son
épée étincelante. Lui qui croyait avoir écrasé Richard le trouvait dressé sur
son chemin, à la tête d’une armée de loqueteux qui ridiculisaient le seul et
unique comte de Shiring.
Profitant
de cette stupeur, Richard fonça sur William. Celui-ci d’un bond esquiva un
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