Les Piliers de la Terre
traverser la maison. William et les chevaliers suivirent
Wulfric dans l’unique pièce. La nouvelle jeune épouse du meunier, agenouillée
devant le feu, y disposait des bûches. Quand elle se penchait, sa tunique se
tendait et modelait des fesses rondes. En tant que femme de meunier, elle
souffrait moins de la famine que bien d’autres. A la vue de la jeune femme, les
chevaliers ricanèrent, pour le plus grand embarras du meunier qui se dandinait
d’un pied sur l’autre. La jeune femme se retourna, consciente qu’on la
regardait, et se redressa, toute confuse.
William
lui lança une œillade et dit : « Maggie, apporte-nous de la bière…
Nous avons soif. »
La troupe
franchit la porte qui donnait accès au moulin. Les sacs de farine s’entassaient
sur le pourtour de l’aire. Il n’y en avait pas beaucoup : en général, les
sacs s’empilaient plus haut qu’un homme. « C’est tout ? demanda
William.
— La
récolte a été si mauvaise, seigneur…, répondit Wulfric, un peu nerveux.
— Où
sont les miens ?
— Ici,
seigneur, fit le meunier en désignant un tas de huit ou neuf sacs.
— Quoi ?
interrogea William, devenant tout rouge. C’est tout ce qui me revient ?
J’ai deux chariots dehors, et voilà ce que tu me proposes ? »
Le visage
de Wulfric s’assombrit encore. « Je suis désolé, seigneur. »
William se
mit à compter. « Neuf sacs seulement !
— C’est
tout ce qu’il y a, expliqua Wulfric, au bord des larmes. Vous voyez les miens
auprès des vôtres, et nous avons la même part…
— Chien
de menteur, interrompit William avec colère. Tu l’as vendue…
— Non,
seigneur, répéta Wulfric. C’est tout ce qu’il y avait. »
Maggie
apparut sur le seuil avec six chopes de bière sur un plateau. Elle en offrit
une à chacun des chevaliers qui burent avidement, sauf William, trop énervé
pour boire.
« Qu’est-ce
que c’est que tout ça ? interrogea brutalement William en désignant le
reste des sacs, vingt-cinq ou trente, amassés le long des murs.
— Ils
attendent, seigneur… Vous voyez la marque du propriétaire dessus… »
C’était
vrai : chaque sac était frappé d’une lettre ou d’un symbole. Si c’était
une supercherie, William n’avait aucun moyen d’établir la vérité, ce qui le
rendait fou. En cas de doute, le comte préférait toujours accuser.
« Je
ne te crois pas, déclara-t-il. Tu m’as volé. »
Bien que
sa voix tremblât, Wulfric insista respectueusement. « Seigneur, je suis
honnête.
— Un
meunier honnête, ça n’existe pas.
— Seigneur…,
reprit Wulfric, la gorge serrée, seigneur, je ne vous ai jamais trompé d’un
grain de blé…
— Je
suis sûr que tu m’as volé comme dans un bois ! »
Malgré le
temps froid, la sueur ruisselait sur le visage de l’homme qui s’essuya avec sa
manche. « Je suis prêt à jurer par Jésus et tous les saints…
— Tais-toi. »
Wulfric se
tint coi.
William
bouillait de colère, mais il n’avait toujours pas décidé ce qu’il allait faire.
Il voulait impressionner Wulfric, lui flanquer une bonne peur qui lui serve de
leçon.
Peut-être
laisser Walter lui administrer une correction avec les gantelets renforcés de
mailles ? Ou bien emporter partie ou totalité de la farine qui lui
appartenait… Son regard tomba sur Maggie, qui tenait toujours le plateau avec
la dernière chope, son joli visage crispé de peur, ses jeunes seins fermes
gonflant sa tunique maculée de farine. Il avait trouvé le parfait châtiment
pour Wulfric. « Attrape la femme », souffla-t-il à Walter. Et il jeta
à l’adresse de Wulfric : « Je vais te faire regretter tes
mensonges. »
Maggie vit
Walter se diriger vers elle, mais trop tard pour qu’elle pût s’échapper. Vif
comme l’éclair, Walter l’empoigna par le bras et la tira vers lui. Le plateau
tomba avec fracas, la bière se répandit sur le sol. Walter tordit le bras de
Maggie derrière son dos et l’immobilisa, tremblante de frayeur.
« Non,
s’écria Wulfric, affolé. Laissez-la, je vous en prie ! »
William
eut un hochement de tête satisfait. Wulfric allait assister au viol de sa jeune
femme par plusieurs hommes. Une autre fois, il veillerait à fournir assez de
blé pour satisfaire son seigneur.
« Ta
femme, proclama William, s’engraisse du pain fait avec de la farine volée,
Wulfric, pendant que nous autres devons nous priver. Voyons un peu comme elle
est dodue, hein ? » Il
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