Les Piliers de la Terre
matait pas de façon décisive, très bientôt Richard les emploierait
pour lancer contre William une attaque directe. Certes, ce serait totalement
illégal de la part de Richard de s’emparer ainsi du comté ; mais William
avait le sentiment que des plaintes concernant une attaque illégale, venant de
lui, ne trouveraient peut-être pas une oreille compatissante. Que William fût
tombé dans une embuscade, qu’il eût été vaincu par les hors-la-loi et
dépouillé, histoire dont toute la région allait bientôt faire des gorges
chaudes, tout cela le vexait terriblement. Mais le plus grave, c’était que sa
domination sur le comté était sérieusement menacée.
Il fallait
tuer Richard. Mais où le trouver ? Il réfléchit à la question durant tout
le trajet qui le menait au château de Waleran et, lorsqu’il y arriva, il se
prépara à interroger l’évêque qui détenait sans doute la clé du problème.
Le groupe
qui se présenta au château avait tout d’un cortège comique se rendant à la
foire, avec son bidet pommelé et son char à bœufs. William lança des ordres
impérieux aux hommes de l’évêque, envoyant chercher un infirmier pour Hugh et
Louis, quérir un prêtre pour s’occuper de l’âme de Guillaume. Gervase et Walter
filèrent boire de la bière à la cuisine, puis William se présenta au donjon et
fut aussitôt admis dans les appartements de Waleran. Il avait horreur de devoir
demander quelque chose à l’évêque, mais il lui fallait son aide pour retrouver
Richard.
Le prélat
lisait un rouleau de comptes, une interminable liste de chiffres. Il leva les
yeux et discerna la rage sur le visage de l’arrivant. « Que s’est-il
passé ? » demanda-t-il, avec ce ton de léger amusement qui exaspérait
toujours William.
Celui-ci
grinça des dents. « J’ai découvert qui organise et commande ces maudits
hors-la-loi. »
Waleran
haussa un sourcil.
« Richard
de Kingsbridge.
— Ah ! »
Waleran hocha la tête d’un air entendu. « Évidemment, ça se comprend.
— C’est
dangereux », riposta William, qui avait horreur de Waleran. « Ses
sbires l’appellent « le comte légitime ». »
Il braqua
un doigt sur l’évêque. « Vous ne voulez certainement pas voir cette
famille reprendre le comté : ces gens-là vous détestent ! De plus, ce
sont des amis du prieur Philip, votre vieil adversaire.
— Allons,
calmez-vous, dit Waleran avec condescendance. Vous avez tout à fait raison. Je
ne peux pas laisser Richard de Kingsbridge reprendre le comté. »
William se
rassit. Il avait des courbatures dans tout le corps. Depuis quelque temps, il
ressentait les effets d’un combat plusieurs jours durant, comme jamais
autrefois. Je n’ai que trente-sept ans, pensait-il, est-ce le début de la
vieillesse ? « Il faut que je tue Richard, reprit-il tout haut. Quand
il aura disparu, les hors-la-loi ne seront plus qu’une racaille impuissante.
— Je
suis de votre avis.
— Le
tuer, c’est facile. Le problème, c’est de le trouver. Mais vous pouvez m’aider.
— Je
ne vois pas comment, répondit froidement Waleran.
— Écoutez,
s’ils sont organisés, ils doivent bien se retrouver quelque part.
— Je
ne comprends pas votre idée. Ils sont dans la forêt, naturellement.
— Inutile
de battre la forêt pour courir après une troupe dispersée. La plupart des
vagabonds qui y vivent ne passent pas deux nuits au même endroit. Mais si
quelqu’un prétend organiser ces gens-là, il est bien obligé de les rassembler
quelque part.
— Il
faut donc découvrir la cachette de Richard.
— Exactement.
— Comment
comptez-vous y arriver ?
— C’est
là que vous intervenez. »
Waleran se
referma instantanément.
« Je
parie, poursuivit William, que la moitié des gens de Kingsbridge saurait le
dire.
— Mais
ils ne le feront pas. Tout le monde à Kingsbridge nous déteste, vous et moi.
— Pas
tout le monde, protesta William. Pas tout à fait. »
Sally
trouvait que Noël était un jour merveilleux.
Les plats
traditionnels de la fête étaient pour la plupart sucrés : poupées en pain
d’épice, bouillie de froment aux œufs et au miel ; le poiré, le doux vin
de poire qui lui faisait tourner la tête ; enfin les tripes de Noël,
bouillies pendant des heures, puis cuites dans une pâte à tarte. Le festin
était moins abondant cette année, à cause de la famine, mais Sally se
réjouissait quand même.
Elle
adorait décorer la
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