Les Piliers de la Terre
Sally.
Elizabeth
finit par se calmer. Avec la manche de sa chemise de nuit, elle essuya son
visage mouillé de larmes. « J’ai si peur d’avoir un bébé, murmura-t-elle.
Je sais qu’il le maltraiterait horriblement.
— Je
comprends », dit Aliena. Elle aussi jadis avait craint mortellement d’être
enceinte de William.
Elizabeth
la contemplait avec de grands yeux. « C’est vrai ce qu’on raconte… sur… ce
qu’il vous a fait ?
— Oui.
J’avais votre âge quand c’est arrivé. »
Un moment,
elles se regardèrent droit dans les yeux, unies dans un commun dégoût Elizabeth
n’avait plus l’air d’une enfant.
« Vous
pourriez vous libérer de lui, si vous le voulez, Elizabeth. Dès
aujourd’hui. »
La jeune
comtesse s’arrêta de respirer. « C’est vrai ? souffla-t-elle avec une
émouvante expression d’espoir. C’est vrai ? »
Aliena
acquiesça. « C’est pourquoi je suis ici.
— Je
pourrais rentrer à la maison ? demanda Elizabeth, les yeux pleins de
larmes. Je pourrais rentrer à Weymouth, chez ma mère ? Aujourd’hui ?
— Oui.
Mais il faudra du courage.
— Je
ferai n’importe quoi, promit-elle. N’importe quoi ! Vous n’avez qu’à me dire. »
Aliena lui
avait expliqué un jour comment acquérir de l’autorité envers les domestiques de
son mari, et elle se demanda si Elizabeth avait pu mettre en pratique ces bons
principes. « Les serviteurs vous contestent-ils encore ?
interrogea-t-elle carrément.
— Ils
essaient.
— Mais
vous ne les laissez pas faire ? »
Elizabeth
se troubla.
« Quelquefois,
si. Mais j’ai seize ans maintenant, je suis comtesse depuis plus de deux ans…
J’ai essayé de suivre vos conseils et j’ai obtenu vraiment de bons résultats !
— Écoutez,
Elizabeth. Le roi Stephen a conclu un pacte avec le duc Henry. Toutes les
terres doivent être rendues à ceux qui les possédaient au temps du vieux roi
Henry. Cela veut dire que mon frère Richard deviendra comte de Shiring… un
jour. Mais lui veut son comté tout de suite. »
Elizabeth
ouvrit des yeux étonnés. « Richard va attaquer William ?
— Richard
est actuellement tout près d’ici, assisté d’une petite troupe d’hommes. S’il
peut s’emparer aujourd’hui du château, il sera reconnu comme comte et c’en sera
fini de William.
— Je
ne peux pas y croire, murmura Elizabeth. Je ne peux pas croire que ce soit
vrai. » Son optimisme tout neuf était presque plus émouvant encore que sa
misérable situation.
« Tout
ce que vous avez à faire, expliqua Aliena, c’est de laisser entrer Richard dans
les murs. Quand tout sera terminé, nous vous raccompagnerons chez vous. »
Elizabeth
se tordit les mains. « Je ne suis pas sûre qu’on m’obéisse… »
C’était
précisément le souci d’Aliena d’y veiller. « Qui est le capitaine de la
garde ?
— Michael
Armstrong. Je ne l’aime pas.
— Faites-le
venir.
— Très
bien. » Elizabeth se moucha, se redressa et se dirigea vers la porte.
« Madge ! » lança-t-elle d’une voix perçante. Aliena entendit
une réponse au loin. « Va chercher Michael. Dis-lui de venir ici tout de
suite… J’ai besoin de lui parler d’urgence. Vite, je te prie. »
La jeune
femme s’habilla rapidement d’une tunique par-dessus sa chemise de nuit et de
bottes. Aliena lui donna de brèves instructions. « Dites à Michael de
sonner la grosse cloche pour convoquer tout le monde dans la cour. Dites que
vous avez reçu un message du comte William et que vous voulez vous adresser à
toute la garnison, hommes d’armes, serviteurs, tout le monde. Il ne vous faut
que trois ou quatre hommes pour monter la garde pendant que les autres se
rassembleront dans la basse-cour. Racontez-lui aussi que vous attendez à tout
moment l’arrivée de dix ou douze cavaliers porteurs d’un autre message et qu’il
faudra les conduire à vous sans délai.
— Pourvu
que je me rappelle tout ! balbutia Elizabeth.
— Ne
vous inquiétez pas… Si vous oubliez, je vous soufflerai.
— Ne
me quittez pas, surtout.
— Qui
est ce Michael Armstrong ?
— Il
sent mauvais, il est désagréable et bâti comme un bœuf.
— Intelligent ?
— Non.
— Tant
mieux. »
Justement,
l’homme arrivait. Il avait un air maussade, un cou de taureau et des épaules
massives, et sentait la porcherie. Il lança à Elizabeth un regard
interrogateur, sans cacher son mécontentement d’être
Weitere Kostenlose Bücher