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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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jour, il
prenait un peu de recul et se raisonnait. Mais dès la nuit, quand son image
revenait le hanter, la peur l’envahissait totalement, une terreur
irrationnelle, aveugle. Un jour, dans sa jeunesse, il s’était aventuré dans un
étang dont le fond soudain avait manqué sous ses pieds. Il s’était retrouvé
sous l’eau, incapable de respirer. La sensation d’étouffement qu’il avait
éprouvée restait un des souvenirs indélébiles de son enfance. Les cauchemars
étaient infiniment pires. Tenter de fuir le visage ensanglanté de sa mère,
c’était comme courir dans des sables mouvants. Il s’éveillait chaque fois hors
de lui, claquant des dents, suant et gémissant. Walter accourait à son chevet avec
une chandelle – William dormait dans la salle, séparé de ses hommes par un
simple rideau, car il n’y avait pas ici de chambre à coucher. « Vous avez
crié, seigneur », murmurait le valet. William, le souffle court, lui
touchait la main, tâtait le mur, retrouvait la réalité tandis que le cauchemar
perdait peu à peu de sa force. Mais il n’osait pas se rendormir. Et, le matin,
les hommes le regardaient comme s’il était ensorcelé.
    Quelques
jours après sa conversation avec Remigius, l’évêque Waleran vint lui rendre
visite.
    Assis sur
sa chaise dure, près de son âtre enfumé, William sursauta. Il avait entendu des
chevaux, mais il n’y avait prêté aucune attention, pensant que Walter revenait
du moulin. Devant l’évêque, il perdit contenance. Waleran s’était toujours
montré arrogant et à maintes reprises William s’était senti stupide, maladroit
et grossier. Quelle humiliation pour lui que Waleran le découvre dans l’humble
décor où il vivait maintenant !
    William ne
se leva pas pour accueillir son visiteur. « Que voulez-vous ? »
demanda-t-il sèchement. Il n’avait aucune raison d’être poli ; plus vite
Waleran aurait tourné les talons, mieux cela vaudrait.
    L’évêque
ne releva pas sa grossièreté. « Le shérif est mort », annonça-t-il.
    William ne
voyait pas l’importance de cette nouvelle.
    « Qu’est-ce
que ça me fait ? répliqua-t-il brutalement.
    — On
va nommer un nouveau shérif. »
    William
faillit hausser les épaules, mais il réfléchit. Si Waleran se préoccupait du
nouveau shérif et avait pris la peine de venir en parler à William, cela ne
pouvait dire qu’une chose. L’espoir se leva dans son cœur, mais il le contint
énergiquement. Waleran était maître dans l’art de décevoir les espérances.
« A qui pensez-vous pour ce poste ? demanda William aussi posément
que possible.
    — A
vous. »
    C’était la
réponse que William n’osait espérer. Fallait-il y croire ? Un shérif
habile et impitoyable avait presque autant d’importance et d’influence qu’un
comte ou qu’un évêque. Enfin le moyen de revenir à la richesse et à la
puissance ! Il s’obligea à garder la tête froide.
    « Pourquoi
le roi Stephen me nommerait-il ?
    — Vous
l’avez soutenu contre le duc Henry, ce qui vous a valu de perdre votre comté.
Je suppose qu’il aimerait vous récompenser.
    — Personne
n’agit par simple gratitude, répondit William, répétant une formule de sa mère.
    — Stephen,
insista Waleran, supporte mal que le comte de Shiring soit un de ses
adversaires. Ce serait vraisemblable qu’il contrebalance l’autorité de Richard
par un shérif de son parti. »
    Vraisemblable,
en effet. Malgré lui, William commençait à s’exciter. Enfin il sortirait de ce
trou qu’on appelait Hamleigh. Il aurait de nouveau une troupe respectable de
chevaliers et d’hommes d’armes, au lieu de la pitoyable poignée qu’il
entretenait maintenant. Il présiderait la cour du comté à Shiring et
s’emploierait à contrecarrer Richard. « Le shérif vit au château de
Shiring, murmura-t-il pensivement.
    — Vous
seriez de nouveau riche, ajouta Waleran.
    — Oui. »
Convenablement exploité, le poste de shérif assurerait des profits non négligeables.
William collecterait presque autant d’argent que lorsqu’il était comte. Mais où
était l’intérêt de Waleran dans cette affaire ?
    Comme s’il
avait entendu la question, Waleran y répondit de lui-même :
    « Dans
ce cas, vous pourriez financer la construction de la nouvelle église. »
    Voilà !
Waleran n’agissait pas sans motif. William était prêt à accepter le marché.
D’ailleurs, s’il élevait cette église à la mémoire de sa mère,

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