Les Piliers de la Terre
sa joue à Richard. « Vous avez bien fait. N’éprouvez pas de
remords », dit-elle.
Elle
s’immobilisa au bord de la tombe. « J’étais sa belle-mère. Je regrette de
n’avoir pas su comment le rendre heureux. »
Quand elle
se retourna. Aliena la serra dans ses bras. Ils repartirent tous à pas lents.
« Voulez-vous rester un moment et dîner avec nous ? proposa Aliena.
— Avec
plaisir, dit-elle en ébouriffant les cheveux roux de Tommy. J’aimerais parler à
mes petits-enfants. Ils grandissent si vite. La première fois que j’ai
rencontré Tom le bâtisseur, Jack avait l’âge de Tommy aujourd’hui. » Ils
approchaient de la porte du prieuré. « Quand on vieillit, les années
passent plus vite. Je crois… » Elle s’interrompit au milieu de sa phrase
et s’arrêta.
« Qu’y
a-t-il ? » interrogea Aliena.
Ellen
fixait le poste de garde du prieuré. Les portes de bois étaient grandes ouvertes.
La rue était déserte, à l’exception d’un groupe de petits enfants qui
regardaient de l’autre côté quelque chose qu’on ne distinguait pas d’ici.
« Richard !
s’écria Ellen. N’y allez pas ! »
Le groupe
s’arrêta. Aliena vit ce qui avait alarmé Ellen.
Richard
fut prompt à réagir. « C’est un piège ! » dit-il et, sans
hésiter, il s’enfuit en courant.
Aussitôt,
une tête casquée se montra. Elle appartenait à un robuste homme d’armes qui, en
voyant Richard courir vers l’église, poussa un cri d’alarme. Trois, quatre,
cinq autres lui emboîtèrent le pas.
Stupéfaite,
Aliena fut saisie de frayeur : qui oserait attaquer le comte de Shiring
ouvertement, et dans un prieuré ? Elle retint son souffle en regardant
passer les poursuivants de Richard. Celui-ci sauta par-dessus le muret que les
maçons étaient en train de construire. Les hommes d’armes le talonnaient. Les
maçons s’arrêtèrent de travailler, geste suspendu, en voyant la course passer
devant eux. Un apprenti, plus vif que les autres ou plus espiègle, tendit un
manche de pelle devant l’un des poursuivants qui s’étala de tout son long.
Richard arrivait à la porte donnant sur le cloître. L’homme brandit son épée
et, pendant un terrible instant, Aliena crut que la porte était fermée à clé et
que Richard ne pourrait pas entrer. L’homme abattit son épée. Elle frappa le
bois tandis que Richard claquait la porte derrière lui.
Aliena
reprit son souffle.
Les hommes
d’armes se groupèrent devant la porte, échangeant des avis incertains. Tout à
coup, ils parurent se rendre compte de l’endroit où ils se trouvaient. Les
artisans leur lançaient des regards hostiles en agitant leurs marteaux et leurs
haches. Ils étaient près d’une centaine contre cinq hommes d’armes.
Jack
demanda brusquement : « Qui diable sont ces gens ? »
Une voix
derrière lui répondit : « Ce sont les hommes du shérif. »
Aliena fit
un bond. Elle ne connaissait que trop bien cette voix. Là, à la porte, monté
sur un étalon noir, armé et revêtu d’une cotte de mailles, se dressait William
Hamleigh. Le sang d’Aliena se figea.
« Disparais,
méprisable insecte », lança Jack.
William
rougit sous l’insulte, mais ne bougea pas. « Je suis venu procéder à une
arrestation.
— Vas-y.
Les hommes de Richard te mettront en pièces.
— Il
n’aura plus d’hommes quand il sera en prison.
— Pour
qui te prends-tu ? Un prévôt ne peut pas mettre un comte en prison.
— Il le peut, pour meurtre. »
Aliena
tressaillit. « Il n’y a pas eu meurtre ! s’exclama-t-elle.
— Mais
si, répliqua William. Le comte Richard a tué Alfred le bâtisseur. Il faut que j’informe
le prieur Philip qu’il donne l’asile à un meurtrier. »
William
éperonna son cheval et traversa la nef inachevée, se dirigeant vers la cour des
cuisines où l’on recevait les laïcs. Aliena le suivit d’un regard incrédule. Sa
méchanceté n’avait d’égale que sa perversité. Le malheureux Alfred, qu’on
venait tout juste de mettre en terre, avait fait beaucoup de mal par petitesse
d’esprit et faiblesse de caractère. Mais William était un véritable serviteur
du diable. Quand, se demanda Aliena, serons-nous débarrassés de ce
monstre ?
Les hommes
d’armes rejoignirent le shérif dans la cour de la cuisine et l’un d’eux frappa
à la porte du pommeau de son épée. Les bâtisseurs quittèrent le chantier et se
regroupèrent, gros marteaux et ciseaux affûtés en
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