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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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poursuivre les jours suivants sur le même secteur du front, avec acharnement, demande le général en chef. Le soutien des armées voisines, qui attaquaient pour faire diversion, est faible vers l’est. La III e armée de Sarrail ne parvient pas à s’emparer de Vauquois. Dubail, envoyé par Joffre en mission d’enquête sur cet échec, reproche à l’artillerie d’avoir tiré trop long, de crainte d’atteindre les colonnes d’assaut. Les premiers attaquants ont perdu du temps, en traversant le village, à fouiller des caves. Ils ont laissé à l’ennemi de précieuses minutes pour se ressaisir.
    La V e armée ne progresse pas dans les monts de Champagne, devant les redoutes installées par l’ennemi. Les Allemands ont eu le temps de se renforcer devant Perthes-les-Hurlus. Ils empêchent toute progression grâce à leurs feux d’artillerie. On se bat en vain à l’arme blanche dans les tranchées creusées en sous-bois. Il faut dépenser des nouveaux effectifs pour soutenir les positions conquises, dans le bois Jaune et la forêt de la Truie. Les Allemands sortent frais de leurs abris creusés par quatre mètres sous terre à proximité des tranchées. On découvre sur place l’invulnérabilité de leurs défenses.
    La I re armée a tenté une action sur la butte des Eparges. On s’est battu furieusement dans les entonnoirs et les abris. Le 132 e de Reims y a perdu beaucoup de monde, comme le 106 e , régiment où sert Genevoix. Les tranchées, après deux jours de corps à corps, sont remplies de cadavres mêlés de Bavarois et de Français. L’attaque a eu lieu le 17, après une longue attente dans les abris creusés autour d’une cuvette. Pendant cinq heures, les poilus du 106 e ont attendu que les mines allumées par les sapeurs explosent sous les lignes ennemies. Puis ils ont subi le bombardement des canons de 75 dont les obus passaient juste au-dessus d’eux, dans leur tir courbe. Certains, tirant trop court, leur tuaient des hommes. De son PC recouvert de plusieurs couches de rondins, en arrière des lignes, le colonel donnait enfin le signal de l’assaut.
    L’explosion des mines avait fait surgir d’épaisses nuées fuligineuses. Déception des poilus qui sautent dans les premières lignes allemandes : les tranchées sont vides, ils les ont évacuées. On découvre, par places, des cadavres de Bavarois agglutinés, tués par les éclats d’obus. Des prisonniers surgissent, poussés par les baïonnettes : ceux-là ont été tirés de leurs abris. Genevoix aperçoit un gosse de dix-sept ans, engagé volontaire. Il pleure en mangeant du chocolat.
    Vers 17 heures, le bombardement allemand commence. Les obus des pièces lourdes tombent sur la ligne conquise. L’un d’eux, du 150, s’écrase sans éclater dans la boue d’un entonnoir : longue chose oblongue, bleue, à double ceinture de cuivre. L’artillerie française ne répond pas. Comment pourrait-elle contrebattre des pièces de 150 situées à plus de dix kilomètres ?
    Les tirs cessent vers minuit, et reprennent à 6 heures du matin, le 18 février. Aucune réplique française n’est possible : les 75 gaspilleraient leurs munitions contre des pièces qui tirent « des obus plus lourds que la nuit [49]  ». Les flaques d’eau prennent la couleur de l’acide picrique, des entonnoirs géants sont creusés par les 305. À croire que toute l’artillerie de la place de Metz a été rassemblée autour des Eparges.
    L’attaque allemande n’est pas loin : les balles de mitrailleuses tapotent les sacs de sable que le génie a entassés sur les lèvres de l’entonnoir. Les hommes se lèvent, au mépris du danger. Soudain des grenades roulent entre leurs jambes, les fauchent par dizaines. On voit des Feldgrau surgir, poussant des cris sauvages, leurs mains crispées sur les mausers. C’est la contre-attaque.
    Les obus lourds ahanent toujours dans le ciel mais ils ne visent plus les lignes d’infanterie. Ils écrasent, derrière la colline de Montgirmont, les batteries françaises toujours impuissantes. Des gradés arrêtent, revolver au poing, des fuyards pris de panique qui cherchent à dévaler la pente. On commence à évacuer les blessés englués dans la boue visqueuse. Il est midi. La contre-attaque allemande vient d’échouer.
    C’est le tour des survivants du 106 e de repartir à l’assaut. Comment trouvent-ils le courage d’arracher leurs godillots à la glaise ? Le colonel s’est indigné de la retraite des

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