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Thalie et les âmes d'élite

Thalie et les âmes d'élite

Titel: Thalie et les âmes d'élite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Chapitre 1

    À la gauche de l’entrée principale de la grande demeure dans la rue Claire-Fontaine, trois plaques en laiton s’alignaient l’une au-dessus de l’autre. La plus élevée portait les mots « Dr D. Caron, MD ». Juste en dessous, une autre sur laquelle les ans n’avaient posé aucune patine encore, indiquait «
    Dr T. Picard, MD ». Elle brillait d’autant plus que tous les matins, sa propriétaire se donnait la peine de passer sa main gantée sur toute sa surface. Le dernier rectangle, tout aussi récent mais privé de soins attentifs, faisait référence à un certain Pouliot.
    Fin juin 1925, Fernand Dupire franchit la porte en poussant devant lui un garçon robuste, un peu trop lourd peut-être, âgé de neuf ans. Devant le petit bureau placé en retrait de la salle d’attente, il commença :
    — Bonjour, Elise. Votre père se trouve-t-il à son bureau?
    Nous avons eu un petit accident.
    Elle posa les yeux sur l’enfant. A la hauteur de son coude, il tenait une serviette blanche qui portait quelques taches de sang.
    — C’est ce que je constate. Papa est absent, mais le docteur Picard se trouve toujours ici. Acceptez-vous de la voir?
    Si la question paraissait un peu étrange, elle s’imposait toutefois. À peu près tous les clients de sexe masculin, de même que de nombreuses femmes, répondaient par la négative.
    Pour toutes ces personnes, la compétence ne se conjuguait pas au féminin, surtout si l’examen exigeait de baisser son pantalon.
    — Je ne pense pas que ce jeune homme y verra un inconvénient.
    Antoine tenait le pansement improvisé en grimaçant. Si le trajet entre la voiture et cet endroit avait été supportable, il s’imposait de lui permettre de s’asseoir bien vite.
    Elise se leva pour cogner légèrement à une porte voisine, ouvrir et dire à mi-voix :
    — Thalie, nous avons une urgence.
    Tout de suite, elle se reprocha sa trop grande familiarité. En ces lieux, elle se devait désormais de s’en tenir à
    «docteur Picard». L’habitude ne lui en viendrait pas aisément avec cette bonne amie. Heureusement, la salle d’attente demeurait à peu près vide; le docteur Pouliot commencerait seulement dans vingt minutes à recevoir des patients.
    — Fais-le entrer, je m’en occupe.
    Le garçon prit place sur un tabouret. Il accepta en hésitant de poser son bras sur une table à la surface en acier poli. — Je vais enlever la serviette, maintenant, lui dit Thalie.
    La grimace sur le petit visage l’amena à ajouter :
    — Je vais faire bien attention, ne t’en fais pas. Comment diable as-tu fait cela ?
    — ... Je suis tombé, il y avait du verre par terre. Une bouteille brisée.
    — Tu n’es pas tombé tout seul, intervint le père d’une voix chargée de reproche.
    — On jouait. Robert n’a pas fait exprès de me faire mal.
    Thalie leva les yeux vers Fernand Dupire et lui adressa un sourire.

    — Je suis heureuse de vous revoir, monsieur. Toute à ce grand blessé, j’en oublie les convenances. Comment allez-vous ?
    Ses petites mains aux mouvements précis soulevaient la pièce en toile pour montrer une coupure de deux bons pouces de long, juste à l’articulation du coude. Elle paraissait assez profonde.
    — Je me porte bien, répondit le visiteur. Avec ma famille, je m’apprête à migrer vers la campagne.
    — Mathieu me disait cela, cette semaine. C’est devenu une tradition, chez vous.
    — Vieille de quelques années.
    Sans transition, la jeune femme continua, à l’intention de son client :
    — Cela ne me paraît pas bien grave. Il va falloir nettoyer la plaie, pour être certain de ne pas y laisser un petit morceau de verre. Tu risques d’avoir mal. Crois-tu que ça ira ?
    Un instant, le garçon riva ses yeux dans les siens, puis il fit un geste d’assentiment de la tête.
    — Je vais faire très attention, je te le promets.
    Malgré cette assurance, ouvrir la plaie et la nettoyer entraîna bien
    des
    «aïe,
    aïe»
    crispés.
    Pourtant,
    Antoine
    réussit à offrir son bras tout au long des soins et à réprimer ses larmes. Le père paraissait en réalité plus souffrant que le fils. Il suivait toutes les étapes en grimaçant discrètement.
    — Vous savez, lui dit Thalie en prenant son fil chirurgical, vous pouvez vous asseoir de l’autre côté de la pièce, en face de mon bureau.
    — Je tenterai de me maîtriser. Mais je vais regarder ailleurs.
    Le notaire se tenait près de la table d’examen, offrant une présence

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