Les Poilus (La France sacrifiée)
les canons sur leurs emplacements, notamment des tracteurs. On se préoccupe à peine d’adapter la radio aux communications avec les trop rares avions d’observation. Les escadrilles d’armée dotées d’avions Voisin ou Maurice Ferman touchent des Morane qui volent à 120 km/h, mais sont encore moins rapides que leurs adversaires. Ils doivent en même temps photographier les lignes et combattre la chasse ennemie. Seuls les Caudron, plus lents, servent seulement aux réglages d’artillerie. Les autres sont des bonnes à tout faire. Peu d’avions sont encore munis de radios et l’instruction des pilotes reste hâtive.
On imagine des codes de radio, mais aussi des procédés purement visuels, plus sûrs, de liaison des artilleurs avec l’aviation d’observation. L’artillerie dispose en effet d’un trop petit nombre d’observatoires terrestres. Elle aperçoit mal, à la jumelle, les fanions plantés par les fantassins qui viennent de s’emparer d’une tranchée. Ainsi s’expliquent les tirs de 75 sur les colonnes d’assaut dont elles souffrent cruellement. Le général Réveilhac, commandant la 60 e division qui attaque de nouveau le bois du Sabot, décide de faire suivre ses compagnies par des observateurs d’artillerie chargés d’établir le contact et d’obtenir des canons de l’arrière des tirs précis.
Les groupes de 75, beaucoup plus nombreux (le général de Maud’huy dispose, pour sa X e armée, de quatre cents pièces environ), doivent soutenir l’avance immédiate des trois régiments d’assaut de la 2 e division d’infanterie. On compte sur ces canons pour effectuer la brèche dans les barbelés, matraquer les tranchées de première ligne et établir ensuite des barrages pour empêcher l’arrivée des renforts.
L’assaut sur les trois lignes de tranchées allemandes du bois du Sabot est mené dans une bourrasque de neige par les Bretons de Saint-Brieuc et par les fantassins du 209 e régiment d’Agen qui connaissent déjà le secteur. Les Allemands endormis dans leurs abris se rendent sans résistance. Mais les Français vainqueurs doivent se replier, sous menace d’encerclement, par une double contre-attaque, sous le feu de l’artillerie ennemie qui cause des pertes considérables. Les puissants retours offensifs de l’adversaire n’ont visiblement pas été prévus ni contrebattus par les canons français. L’affaire est remise à trois jours, dans l’espoir de conditions plus clémentes.
Les attaques reprennent le 16 février sur la ligne des tranchées allemandes et se poursuivent les jours suivants. Elles sont menées essentiellement par des régiments d’élite d’active provenant des centres de recrutement du Nord : Dunkerque (110 e ), Valenciennes (127 e ), Arras (33 e ), Abbeville (128 e ), Amiens (72 e ) et Béthune (73 e ). Elles portent sur des positions connues sous le nom de tranchées Grises, ou Blanches ou Jaunes. La position clé du bois du Sabot est imprenable sur l’aile gauche. Une progression lente et difficile permet de gagner un peu de terrain au centre, après quatre jours et quatre nuits de furieux combats. Les pertes sont lourdes, mais le moral ne baisse pas dans les régiments du Nord, constamment remplacés par des bataillons frais des mêmes unités. On épuise les effectifs dans ces attaques répétées.
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Les combats sont incessants, et les hommes ne peuvent trouver le repos que dans de rares périodes d’accalmie. En Champagne, le général de Langle de Cary donne l’ordre, quand les boyaux sont encombrés de cadavres et d’éboulis, d’avancer de nuit en plein champ pour gagner les premières lignes, même si les fusées éclairantes guident les tirs nocturnes de l’artillerie ennemie. Sur huit kilomètres, le front devient un enfer où les régiments des Ch’timis sont broyés. Dans les unités d’élite du premier corps, la nuit du 17 février est une suite presque ininterrompue de combats. Les tranchées du Fortin, prises la veille, sont à l’aube réoccupées, reprises à 9 h 30, et perdues à midi sous l’action de canons lourds qui tirent de Maisons de Champagne, trop éloignés pour être contrebattus. Aux tranchées Blanches, les fantassins de Dunkerque réussissent à se maintenir toute la nuit et toute la journée en dépit de pertes considérables. Les soldats des deux premiers corps engagés sont déjà épuisés le 18, et doivent être remplacés.
On ne renonce pas à l’offensive. Elle doit se
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