Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
Fumin, près de Souville, un coureur découvrait les poilus assis ou couchés dans les trous. « On dirait plutôt des mourants, tant leurs traits sont tirés et leurs figures jaunies. La soif les dévore, ils n’ont même pas la force de parler. Je leur dis que ce soir nous serons sans doute relevés. La nouvelle les laisse quasi indifférents, leur seul désir est d’avoir un quart d’eau. »
    *
    Misère et courage extrêmes des poilus de Verdun, jusqu’au dernier moment. À partir du 24 Juin, leur supplice risque de s’atténuer. Le général von Falkenhayn vient d’effectuer les premiers retraits sur ce front, après l’échec de sa dernière poussée. Il estimait au début de la bataille les pertes françaises probables dans la proportion de cinq à deux, il avait perdu 240 000 soldats contre 275 000 Français seulement : trop peu pour s’obstiner. Les calculs des mangeurs d’hommes sont formels : il faut évacuer progressivement le front de Verdun.
    Pourtant la tuerie continue. Les Français n’ont engagé que 14 divisions contre 26 britanniques dans l’offensive de la Somme qui part enfin le 1 er juillet, mais Joffre a détourné du front de Verdun 9 000 canons lourds et 1 100 canons de 75 pour obtenir la décision, qui ne vient pas. Pendant un mois, cependant, les pertes allemandes sont de 267 000 hommes et 69 divisions vont défiler sur la Somme, soulageant ainsi Verdun.
    Mais l’obstination de l’état-major allié à emporter la décision prolonge l’offensive jusqu’en novembre, avec les meilleures troupes : le 26 e régiment de Toul, de la division de fer, étrillé fortement à Verdun, était engagé au premier jour à Maricourt dans une attaque en règle, précédée d’une intense préparation d’artillerie, comme les poilus de Verdun n’en avaient jamais connu. Les tranchées étaient solides, les parallèles d’attaque ne manquaient pas. Les soldats de Toul pouvaient faire la différence avec le front de Verdun et ses misérables conditions de combat. On n’avait jamais eu le temps ni les moyens d’y installer un seul réseau de défenses efficaces.
    Pourtant l’attaque française échouait, bien que des observatoires aient guidé le feu des pièces, installés dans de faux arbres dotés de périscopes. Les poilus de Toul étaient arrêtés devant la « tranchée Rouge » et plus tard, à Maurepas, par les mitrailleuses dissimulées dans les trous d’obus.
    76 000 Français périraient sur la Somme, et les Anglais perdraient 200 000 soldats. Mais les Allemands étaient sur ce champ de bataille les premières victimes de la « guerre d’usure » qu’ils avaient engagée à Verdun, faute d’avoir pu réussir leur opération d’anéantissement industriel. Pour dégager leur front accablé, il ne leur restait d’autre solution que de poursuivre les attaques sur Verdun, afin d’empêcher Joffre d’y prélever des renforts.
    Ainsi les attaques, les bombardements reprennent, avec un commandement français décidé à lancer continuellement des offensives partielles, pour prévenir un retour de flamme ennemi. Les pertes sont, plus que jamais, accablantes et sans résultats appréciables, bien que les Français aient renforcé modérément leur parc d’artillerie lourde.
    Les Bretons de la 60 e se font massacrer à Thiaumont, qui devient un charnier. À Souville, un bataillon du 7 e régiment de Cahors se fait capturer dans ses trous d’obus sans avoir les moyens de résister. Dans les ruines du fort, le lieutenant-colonel Astruc, qui commande l’ouvrage, meurt asphyxié. Un simple lieutenant, Dupuy, sauve la situation en attaquant à la grenade, avec l’aide des mitrailleurs du 7 e . Le 100 e régiment de Tulle se fait tuer pour reprendre Fleury. Les zouaves et les tirailleurs de Constantine attaquent à leur tour le 15 juillet, sans plus de résultats. Les divisions de Montauban, de Montpellier, de Dijon se succèdent dans l’infernale boucherie.
    L’été permet à Mangin d’employer des Sénégalais, également sacrifiés sur les points de résistance du champ de la mort. Ils accusent 60 % de pertes au début d’août, au sud de l’ouvrage de la Laufée. « Au petit jour, raconte le soldat Pasquier, un épouvantable spectacle s’offre à nos yeux : le sol est jonché de cadavres, des Allemands, des Noirs, des coloniaux. Certains sont atteints d’atroces blessures et sont étendus dans leur sang. D’autres ne présentent aucune plaie apparente et

Weitere Kostenlose Bücher