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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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« un buveur de sang » toujours prêt à les faire massacrer. Un commandant avait fait tirer à la mitrailleuse sur les 2 400 Bretons en colère du 42 e d’infanterie. Bulot, qui n’avait pas commandé ce tir, était pris à partie. Pour la première fois un général avait été agressé, frappé, lapidé. On lui avait arraché sa fourragère et ses étoiles. La répression avait été immédiate : cinq condamnations à mort, dislocation de l’unité, répartie, compagnie par compagnie, dans des régiments de l’arrière.
    Le 23 e régiment de Bourg-en-Bresse, déjà décimé sur la Somme, avait reçu de Joffre la promesse d’un long repos. En fait l’unité avait été engagée en Argonne, puis au Chemin des Dames. Dès le 21 avril, le commandement demandait son retrait : elle avait perdu plus d’un tiers de ses effectifs. Elle avait dû attendre la relève jusqu’au 12 mai. On avait envoyé les poilus du Jura, considérés comme une troupe d’élite, à l’assaut de l’imprenable mont Spin. Ce régiment décoré de la fourragère estimait avoir droit, définitivement, au repos. Ses mutins étaient des héros.
    Depuis la fin de mai 1917, les conseils de guerre avaient eu la main lourde, parce que la rébellion s’étendait. Le 28 mai, la 5 e division recrutée en Normandie et réputée pour sa bravoure était touchée. Les hommes répétaient qu’ils ne voulaient plus monter en ligne, « alors qu’à Paris des tirailleurs indochinois avaient tiré avec des mitrailleuses sur leurs femmes ». Au 129 e du Havre, trois « meneurs » étaient arrêtés, jugés sur-le-champ, exécutés. Le régiment était immédiatement embarqué dans une division de l’arrière et perdait son drapeau.
    Les chasseurs du 60 e bataillon de Brienne avaient refusé de monter en ligne le 31 mai, pour secourir les poilus de la coloniale. Pour le code de justice militaire, c’était la peine la plus grave. Ils ne pouvaient que recevoir des sanctions lourdes. Pourtant depuis Verdun, ces combattants exemplaires n’avaient pas connu le repos. Ils considéraient que le commandement faisait toujours appel aux mêmes pour les coups durs.
    Les sacrifices inutiles imposés par l’offensive d’avril étaient-ils le seul motif de la révolte? La 170 e division, mutinée dans la région de Soissons à partir du 31 mai, venait des secteurs calmes d’Alsace. Elle n’avait pas donné sur la ligne de l’Aisne. Mais les récits des troupes descendant du front avaient présenté le secteur de Laffaux, où devaient monter les poilus de Lyon et d’Épinal, comme un véritable enfer. Les soldats avaient refusé d’embarquer. Ils savaient que l’échec de l’attaque menée autour du moulin de Laffaux était dû à l’insuffisance du commandement qui lançait les troupes démunies à l’assaut d’une forteresse. Ils avaient pris la route de Villers-Cotterêts pour marcher vers Paris. Les dragons, les cuirassiers à cheval, troupes aussi sûres que la gendarmerie dont certains régiments étaient employés contre les grévistes de la Loire, les avaient arrêtés.
    Ceux du 152 e de Langres protestaient : parce qu’ils avaient une réputation de bravoure, on les envoyait au front pour remplacer une division défaillante, à Heurtebise, un des rendez-vous mortels du Chemin des Dames. Les mutins s’étaient retranchés dans une creute.
    Le général Taufflieb, alors que tant de hauts cadres ne se montraient pas, était allé vers les révoltés pour négocier l’arrestation de cinq meneurs par compagnie. Le bataillon mutiné était rapidement encerclé par les cavaliers et les gendarmes.
    Aucune résistance n’était possible. On fit sortir les hommes désignés qui, menottes aux mains, furent chargés sur des camions et dirigés sur la prison du quartier général. « Voilà comment un chef digne de ce nom, commentait Pétain, peut ramener une bande d’hommes égarés et terrorisés par quelques meneurs. »
    Les prévenus bénéficièrent au conseil de guerre de circonstances atténuantes parce que le bataillon, en définitive, avait accepté de remonter en ligne, à l’indignation du général Taufflieb, qui jugeait les sentences trop douces. Les soldats avaient longuement discuté entre eux. « Je demande aussi la paix, disait l’un des poilus, mais cette paix-là… Après trois ans de guerre, faudra-t-il les faire entrer chez nous ? » Le patriotisme l’avait emporté.
    Ils retrouvaient des camarades qui

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