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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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général de Pouydraguin.
    Quatre sur treize accusés avaient été condamnés à mort le 6 juin. Titulaire de trois citations, le caporal Dauphin était exécuté le 12 et enterré au cimetière de Cormicy près de Reims avec la mention « mort pour la France ».
    Le prêtre-soldat qui l’assistait à ses derniers moments écrivait au curé de son village, le 24 juillet [86] . Était-il coupable ? Ni plus ni moins que les autres, mais « il était le seul gradé parmi les hommes qui ont manqué gravement à la discipline et, au lieu de s’efforcer de les arrêter, il les a, paraît-il, excités ». La réserve de l’ecclésiastique s’explique par la confession de Dauphin : « Quand je lui ai demandé comment il avait pu se laisser aller à cela, il n’a pu me répondre que deux choses : j’avais bu, et puis on nous avait monté la tête. Je n’ai pas pu savoir qui était ce on. »
    Il espérait être gracié, comme tant d’autres. Dauphin n’avait rien d’un agitateur et son passé militaire parlait pour lui. Mais l’autorité militaire avait dû « faire des exemples » : il avait menacé des officiers. « J’ai été avec lui, poursuit le prêtre, depuis son réveil jusqu’à ses derniers moments. Il a été extrêmement courageux et il a exhorté jusqu’au bout son camarade qui a été exécuté avec lui à l’être. Il comprenait bien que sa faute était grave et nécessitait un châtiment. Mais évidemment il n’avait pas conscience d’avoir mérité un châtiment aussi terrible. »
    Il n’était coupable que d’une manifestation séditieuse à l’arrière, non d’un refus de monter en ligne, encore moins d’un abandon de poste. Il était mort victime des circonstances et de son grade de caporal qu’il avait gagné par sa bravoure. Mort pour l’exemple. Mort pour la France aussi, comme tous les autres poilus.
    Comme tous ceux qui exigeaient, après tant de massacres, qu’on leur fasse enfin droit. Il n’a pensé, dans ses derniers moments, qu’à sa femme et à son enfant. « Il n’a cessé de tenir leur photographie devant ses yeux et souvent il l’a portée à ses lèvres. » Le prêtre a béni son corps. La famille n’a retrouvé sa tombe que longtemps après. Ainsi sont morts tant de héros de Craonne et d’Heurtebise, ils ont rejoint leurs camarades.

7  LES MARTYRS DE LA VICTOIRE

    La révolte des poilus a changé l’esprit de la guerre, et contraint l’état-major à poursuivre sur d’autres bases le réarmement moral déjà entrepris sous le consulat de Nivelle. Il est convenu qu’on attend désormais, selon la formule de Pétain, « les Américains et les chars » avant d’entreprendre toute action d’envergure. Est-ce le retour aux tranchées-abris, au calme des secteurs ?
    La référence à l’Amérique implique un changement d’état d’esprit, dont Pétain lui-même est très vite conscient. La note en six points qu’il rédige au plus fort des mutineries est révélatrice. Il se préoccupe de fournir des thèmes aux « causeries d’officiers » destinées à reprendre les troupes en main. La révolution russe avait pour but, est-il indiqué, de « chasser un gouvernement qui se préparait à abandonner lâchement les Alliés et à conclure une paix séparée avec l’Allemagne ». Déjà nos alliés se préparent à une grande offensive d’été (la dernière, celle du général Broussilov). Il ne faut donc pas que les Français désespèrent de la révolution de février.
    Le plus important thème de la propagande officielle est celui de l’apport des États-Unis. Pétain promet que les premières unités débarqueront en France avant un mois. C’est, dit-il, « un appoint énorme et vraiment décisif ». Il peut permettre de gagner la guerre à coup sûr. Avec les Américains, les Alliés signeront « une paix victorieuse » contre l’Allemagne qui a voulu la guerre, « ou plus exactement l’empereur Guillaume de Hohenzollern et ses hobereaux ». Pétain s’aligne déjà dans son discours sur les mots d’ordre venus d’outre-Atlantique : toute la propagande de guerre est conduite aux États-Unis contre Guillaume le naufrageur de civils innocents. Déjà se dégage le slogan maintes fois martelé d’une guerre internationale pour le Droit. Plus question de la flèche de Strasbourg ni de l’Alsace et de la Lorraine, comme dans les premières proclamations de Joffre. Le poilu est seulement, aux côtés des

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