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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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multiplié les attaques jusqu’en novembre. Quand les Canadiens avaient réussi à s’emparer de la butte de Passchendaele, le maréchal britannique comptait ses pertes : 600 000 hommes, dont 36 000 officiers dont le nom figurerait en lettres d’or au monument du club militaire de Londres, après ceux de Waterloo, de Crimée et de la guerre des Boers.
    Il ne disposait que de 750 000 recrues, quand il en fallait au moins 900 000. 35 000 hommes lui seraient envoyés immédiatement pour combler les vides, quand il en demandait 50 000. Il avait déjà réduit ses divisions, comme les Français et les Allemands, de douze à neuf bataillons. Il n’alignait sur le front français que cinquante-deux divisions d’infanterie et cinq de cavalerie : la moitié des effectifs de Pétain. Celui-ci avait exigé et obtenu que les Anglais allongent leur ligne sur le front jusqu’à Barisis, pour soulager l’armée française. Haig estimait que cette mesure imposée par Lloyd George mettait son armée en péril.
    Il ne voulait pas plus que Pétain constituer une réserve interalliée comme l’avait décidé le Conseil suprême réuni à Versailles le 31 janvier. Le 22 février seulement, quand les Allemands devenaient menaçants, Pétain et Haig avaient consenti, par un accord âprement négocié, à rassembler chacun une réserve de six divisions disponibles pour porter immédiatement secours à l’autre en cas d’agression, et au premier appel.
    Les rapports franco-britanniques étaient des plus ombrageux et les poilus, comme les tommies, ne pouvaient manquer de partager les réticences et les aigreurs des états-majors, même si elles étaient très atténuées, et inexistantes dans les unités qui avaient combattu au coude à coude avec les Britanniques : ceux de la I e armée française, alors commandée par Anthoine, connaissaient les souffrances qu’ils avaient partagées dans la boue sanglante des Flandres avec les tommies des armées Plumer et Gough.
    *
    Au 1 er de l’an de 1918, les poilus étaient plus incertains que jamais sur le sort de la guerre : ensevelis sous la neige, glacés de froid, mal ravitaillés de pommes de terre à peine mûres dans certains secteurs de l’Est, ils dégelaient le pain et le vin, sans trop attendre de l’arrière, même si l’on parlait de plus en plus de pourparlers.
    Depuis mai, on évoquait des ouvertures de paix de l’Autriche-Hongrie. Le nouvel empereur Charles passait pour être las de la guerre. Les soldats du front ne pouvaient pas savoir qu’il s’en ouvrait à son ministre des Affaires étrangères, le comte Czernin : « Une victoire éclatante de l’Allemagne, lui écrivait-il le 15 mai, serait notre ruine. » L’Autriche serait alors vassalisée, comme l’avait été la Bavière en 1871. « Une paix à l’amiable, sur la base du statu quo, serait la meilleure. »
    Cette approche avait alors échoué. Les tentatives de Sixte et Xavier de Bourbon, officiers dans l’armée belge et frère de l’impératrice Zita, avait bien débouché sur une consultation des chancelleries, mais les Italiens avaient fait tout capoter en maintenant leurs ambitions sur les terres irrédentes de l’Adriatique. Les Français n’avaient pas insisté, devant le refus de l’Allemagne d’abandonner l’Alsace et la Lorraine. L’empereur Guillaume II, à l’entrevue de Hombourg le 3 avril, avait imposé la poursuite de la guerre à l’empereur Charles et le grand état-major allemand considérait ces ouvertures de paix comme indécentes.
    Avait-il encore l’espoir de l’emporter ? L’offensive sous-marine avait échoué. Devant la suggestion d’Erzberger au Reichstag de voter une « résolution de paix » sur la base du statu quo, la fermeté de Hindenburg avait entraîné la démission de Bethmann-Hollweg et l’arrivée à la Chancellerie du faible Michaelis, un jouet entre les mains de l’état-major. Ludendorff pensait désormais qu’il avait les moyens d’abattre l’armée britannique épuisée et d’imposer la paix de victoire. Les Français n’étaient plus en mesure, pensait-il, de secourir efficacement leur allié. L’Allemagne n’avait donc nullement à renoncer à son ambition de devenir la seule grande puissance militaire et industrielle en Europe.
    Dans ces conditions, la campagne diplomatique entreprise en août 1917 par le Vatican ne pouvait déboucher sur des pourparlers constructifs. Les catholiques d’Autriche-Hongrie, soutenus par

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