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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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disposer de quatre manteaux, soit huit millions à l’échelle de l’armée.
    Les gants de laine, pull-overs et chaussettes étaient prévus dans les mêmes proportions. 131 millions de paires étaient mis en fabrication et 80 millions de chaussures. On planifiait la production de 25 millions de chemises de flanelle et 35 millions de gilets. Toute la laine disponible du pays, soit 246 millions de pounds annuels, était réservée à l’armée. On échantillonnait trente mille articles manufacturés nécessaires au combattant, du masque à gaz au savon à barbe.
    Le Service of Supplies (SOS) comportait 386 000 soldats qui utilisaient le travail forcé de 31 000 prisonniers allemands et de travailleurs payés, recrutés par contrat, y compris des coolies chinois. Un tiers des soldats présents en France étaient des non-combattants, chargés de nourrir, d’équiper, de soigner et d’approvisionner les hommes du front.
    De très nombreux ingénieurs avaient conçu le réseau de transports américains en France, l’agrandissement des ports, le doublement des voies ferrées, l’installation des gares, y compris des stations frigorifiques pour la conservation des aliments et la fourniture de viande et de bière fraîches, plus de cent cinquante établissements hospitaliers, une flotte d’ambulances, trente-trois mille camions, des entrepôts en grand nombre, des camps d’hébergement et d’installation en dur. L’armée devait pouvoir se suffire en tout.
    Cet effort de construction coûterait deux fois le prix du canal de Panama. L’effort de logistique permettant d’établir deux millions de soldats en France était rigoureusement planifié et donnait l’exemple frappant d’une véritable organisation de guerre, respectueuse avant tout des besoins du citoyen et de la sécurité du combattant.
    La revendication pour une guerre plus conforme aux exigences du citoyen, déjà affirmée avec force par les poilus lors des mutineries, se trouve renforcée par la présence d’abord discrète au front mais bientôt perceptible dans les ports et sur toutes les lignes tirées sur le territoire de la pénétration vers le nord-est d’une armée nombreuse et technicienne. La tenue, l’équipement, le bien-être du doughboy stupéfient l’arrière. Même si l’on répète dans les popotes que le combattant américain est inadapté et inexpérimenté, qu’il doit tout, pour ses fournitures d’avions et d’armes lourdes, à la France, qu’il reçoit son instruction des Français, il devient la référence incontournable du soldat-citoyen, entouré non seulement d’égards, mais de sollicitude par le pouvoir politique et par les gradés.
    L’inégalité de traitement des soldats de l’alliance avait été perçue de la même manière par les soldats italiens en 1915, à la montée en ligne des troupes britanniques et françaises, beaucoup mieux équipées, dans la péninsule. Sur le territoire français, les « pantalons rouges » n’avaient pu manquer de concevoir un certain dépit, quand ils avaient pu comparer leur équipement avec celui, impeccable, de l’armée de métier britannique, et surtout leurs soldes. Il est vrai que les différences s’étaient atténuées quand avaient débarqué les divisions « nationales » levées par Kitchener, beaucoup moins bien traitées que les unités de l’armée de métier.
    La rivalité des poilus avec les Britanniques était d’une autre nature : ils les accusaient d’être venus trop tard, en trop petit nombre, et de tenir une partie du front trop réduite. Ce reproche était formulé par Pétain, dans une continuelle discussion, souvent aigre, avec Haig.
    Pourtant les Anglais avaient sauvé l’armée française en multipliant les offensives sur leur front. En avril-mai, certes, les batailles de diversion avaient échoué en Artois, bien que les Canadiens se fussent emparés, au prix de pertes très lourdes, de la butte sanglante de Vimy. Les Australiens étaient morts par milliers sur la ligne Hindenburg. En juin, quand l’armée française était en proie aux mutineries, Plumer avait attaqué et remporté la victoire sur le saillant d’Ypres. L’offensive dans ce secteur avait continué en juillet, sur la ligne de trois armées britanniques bien dotées en artillerie.
    La pluie et la boue avaient eu raison des combattants des Flandres, ainsi que la résistance acharnée des unités allemandes de Sixt von Arnim. Mais Haig l’obstiné avait

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