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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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mot de reproche pour le commandement qui les a envoyés à l’attaque sans aucun soutien, avec pour seule mission d’arrêter l’ennemi. Les aînés ne l’ont-ils pas déjà fait à Verdun ?
    Décidément, la guerre n’a pas changé. Dans l’attaque sur la route d’Ercheu, le 388 e régiment d’infanterie ne pouvait compter ni sur l’artillerie ni sur l’aviation, mais sur son seul courage. L’aspirant Gomeret était mort sans autre résultat que d’avoir, pour une heure peut-être, réussi à inquiéter l’ennemi.
    Dans la nuit du 25 au 26 mars, le général Margot demande à Colin de pousser un bataillon du 338 e vers la droite, pour maintenir la liaison avec la 10 e division. Impossible, les Allemands se sont déjà infiltrés dans les bois. La division a reculé. Le contact est perdu. Les bataillonnaires du 338 e risquent de tomber sur l’ennemi qui a réussi à séparer, pendant la nuit, les deux grandes unités.
    Une compagnie du régiment s’était précipitée au-devant d’une troupe qui marchait colonne par quatre sur la route de Flavy à Fréniches. Le capitaine croyait avoir affaire à des Anglais en retraite : c’étaient des Allemands. La compagnie était prisonnière, sans avoir pu se défendre.
    Colin organise une défense improvisée à hauteur de Frémiches. Les Allemands la contournent par une marée montante de troupes constamment renouvelées. Chaque fois que Colin organise le 338 e sur une position, il doit reculer pour ne pas être débordé. Le 25, à midi, le régiment est à découvert, du fait de la retraite des Anglais sur sa gauche et de la 10 e division sur sa droite.
    Le 307 e d’Angoulême a abandonné sa position de Liber-mont pour un repli « trop rapide » sous les obus allemands. « Plus de munitions ! » dit un commandant pour s’excuser. Le moral des poilus est visiblement atteint. Colin décide de rester sur place pour obliger le colonel à la résistance. Il envoie sa voiture pour chercher des caisses à un point convenu de ravitaillement et interdit aux hommes tout recul.
    Près d’Ognolles, les poilus de Decize tiennent bon. À côté d’eux les batteries anglaises surprennent par leur flegme. Elles tirent « comme des enragées ». Les servants, en bras de chemise, enfournent les obus pendant que leurs camarades au repos se rasent avec des rasoirs mécaniques, à cinq cents mètres de l’ennemi. Quand les « grosses marmites » cernent la position, les avant-trains sont amenés, au dernier moment, pour déplacer les pièces.
    Colin se précipite à l’état-major de Beaulieu, pour rendre compte au général Margot. Le village est désert. Le divisionnaire s’est replié sur Candor. Colin « casse la croûte » avec le colonel du 338 e , à trois cents mètres de l’ennemi. Il reçoit l’ordre d’installer une nouvelle position en avant de la route Noyon-Roye.
    Toujours pas de renforts, et les régiments doivent décrocher. Ils ont déjà perdu beaucoup de monde et sont épuisés par la veille ininterrompue et les marches continuelles. Colin les renforce en leur affectant les compagnies de cyclistes qu’il rencontre sur la route, ainsi que des automitrailleuses. Il fait flèche de tout bois, en cette interminable journée du 25 mars, envoyant les automobiles blindées aux colonels de ses trois régiments pour leur donner les ordres. L’un d’eux est introuvable, mais un adjudant-major, Thierry d’Argenlieu, rencontré sur la route, se charge de prévenir [101] . Précarité des liaisons !
    Le 26 mars, le PC de la division s’éloigne encore jusqu’à Canny-sur-Matz. Il est impossible de tenir le front : les Anglais se dérobent, les Allemands sont trop nombreux et les renforts n’arrivent pas. Au 338 e , Louis Masgelier n’a pu dormir de la nuit, après son premier combat. « Un tremblement nerveux s’est emparé de moi […] Je suis affreusement déprimé, presque effaré. » Il a perdu son copain Lagrange, il se serre contre Mœuf, un pays qui le réconforte. Il faut faire retraite, reprendre le sac à Ecuvilly, manger hâtivement du singe, de la confiture et repartir, après deux nuits sans sommeil et une journée de combat. Les poilus se jettent dans les fossés pour dormir au moindre arrêt.
    Pourvoyeur de mitrailleuses, Louis fait retraite, arrosé par les fusants. Les artilleurs ennemis sont renseignés par leurs saucisses et leurs avions. Les chasseurs français sont absents du ciel. Les Allemands tirent mal, un

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