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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Allemands avancent, infatigables, à raison de cinquante kilomètres par jour. Quand le front se retourne enfin, l’infanterie — ou ce qui en reste — doit allonger le pas, pour livrer bataille sur l’Ourcq et la Marne du 5 au 10 septembre, manœuvrant constamment pour contraindre l’ennemi à se retirer. Il faut ensuite le poursuivre jusqu’à la ligne de l’Aisne où il s’enterre.
    Est-ce la fin du mouvement ? D’autres marches et contremarches attendent la cavalerie, puis l’infanterie venue à la rescousse, dans les plaines du Nord, où les adversaires se livrent à la « course à la mer ». Épuisante épopée des cavaliers groupés en divisions tentant de prendre l’adversaire de vitesse. Ils sont incapables de « tenir un front » et doivent être renforcés de divisions d’infanterie, qui, de nouveau, arrivent à marche forcée. Il n’est pas alors d’usage, faute de moyens, de transporter les pantalons rouges en camions, sauf dans des cas très rares. Les « taxis de la Marne » sont une brillante exception. Les canons à longue portée allemands ont pris pour cibles les lignes de chemin de fer. À pied, les unités s’engagent vers le nord. Du 14 septembre au 17 novembre, des batailles acharnées sont livrées sur la Somme, en Artois, dans les Flandres, jusqu’à Dixmude, cimetière boueux des armées française, allemande, belge et anglaise.
    La ligne du front se fige enfin. Renonçant à ses offensives chimériques, Joffre ferme son quartier général de Vitry-le-François pour s’installer à Chantilly, près de Paris. L’armée se prépare à hiverner dans la boue. Fin de la première époque, et de la geste des pantalons rouges.
    *
    Les survivants sont accablés de fatigue, déçus de n’avoir pas vu le Rhin, et pour certains de ne jamais avoir vu l’ennemi. Même quand ils n’ont pas participé directement aux offensives, comme ce « soldat René » du 309 e régiment d’infanterie de Chaumont, ils sont épuisés par les marches et les contremarches [18] . D’abord cantonnés à Épinal, les soldats du recrutement de la Marne poussent vers l’est pendant l’offensive du 15 août et grimpent les pentes des Vosges sans être jamais engagés. Le 30 août, ils sont de retour à Épinal, après une accablante série de mouvements.
    René prend le plus grand soin de ses pieds et de ses chaussures. Il en est tellement préoccupé qu’il en parle à sa mère dans une lettre : « Nous avons fait bien des kilomètres depuis un mois. J’ai déjà usé une paire de brodequins, et pourtant la semelle est épaisse. » La météorologie est fantasque, en ce mois d’août sur les Vosges : aux fortes chaleurs succèdent des orages qui rendent les chemins boueux. « On dirait marcher sur la confiture », écrit René. Un jour sur deux, il couche en plein air, les autres dans la paille des granges, mais ne se plaint pas de la nourriture, pourvu que sa mère lui envoie « de la galette » pour les suppléments de quiches et de vin de Toul, à acheter dans les villages. René est, pour l’heure, un pantalon rouge épuisé, mais tranquille.
    Même accablement au 276 e , le régiment de réserve de Coulommiers. La zone de concentration est celle de la II e armée vers Pont-à-Mousson. Attaquera-t-on la place forte de Metz, située à une trentaine de kilomètres, soit la distance d’une demi-marche forcée ? Il n’en est pas question, les défenses allemandes sont trop importantes dans le camp retranché que l’adversaire a eu tout le temps d’aménager, en installant dans les forts des pièces de gros calibre, en assortissant les abords de nids bétonnés de mitrailleuses.
    On peut surveiller Metz, non l’assaillir. C’est, semble-t-il, le rôle de la 55 e division où le 276 e est engagé. Elle est groupée avec la 56 e dans une formation récemment constituée, commandée par le général de Lamaze, que les pantalons rouges de Coulommiers n’ont jamais vu.
    On peut penser qu’il s’avancera le plus possible au nord, pour s’y accrocher solidement et protéger le flanc de l’armée Castelnau contre toute surprise. Jusqu’au 27 août, il se contente d’« errer de Saint-Mihiel à Pont-à-Mousson, cantonnant de-ci de-là [19]  ». Le seul Allemand qu’il rencontre est un uhlan dont le cheval s’est pris les pattes dans une herse barrant l’entrée d’un village.
    Malgré sa mission défensive, le régiment marche sans cesse. Quand il quitte

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