Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
général allemand von Gronau, commandant le IV e corps de réserve, avait eu la même idée. Un affrontement était inévitable et les Français l’ignoraient. Les fautes accumulées dans cette malheureuse journée du 5 septembre par l’état-major étaient lourdes : renseignements insuffisants fournis par le 2 e bureau de l’armée sur la marche de ce corps allemand de réserve, laissé là par von Kluck pour protéger son mouvement. Inefficacité des reconnaissances de cavalerie. Insuffisance de la dotation d’artillerie, due au fait que l’on ignorait tout des forces et des intentions de l’ennemi. Dans l’esprit de Maunoury, la marche en avant des Marocains n’était qu’une étape pour l’attaque générale du lendemain.
    En dépit des mutations, le commandement montrait, une fois de plus, ses insuffisances. Personne n’empêchait les Marocains d’attaquer dans des conditions désastreuses. Heureusement von Gronau n’était guère mieux renseigné que les Français, et ses soldats, qui accomplissaient à pied, depuis le début de l’invasion, de dures étapes, étaient aussi épuisés que les pantalons rouges de Péguy.
    Mais Gronau avait du canon. Les salves de 77 clouaient les Marocains sur place. Un mouvement de débordement entrepris par les coloniaux échouait, du fait de l’intervention des nombreuses compagnies de mitrailleuses allemandes. Les Marocains progressaient par bonds, se méfiant du feu. Ils bousculaient les défenses des batteries d’artillerie. Mais des régiments de réserve allemands accouraient aussitôt pour entrer dans la bataille.
    Les officiers français étaient tués les premiers dans l’assaut. Mort le capitaine Hugo Derville, le lieutenant Guillemette et ses camarades, Laulanic Sainte-Croix et Poyelle. La densité du feu des mitrailleuses était terrifiante. Aucune troupe n’aurait pu y résister. C’est pour empêcher le désastre que la 5 e compagnie du régiment de Péguy avait été engagée, sans qu’on lui dise en quoi consistait sa mission de sacrifice sur un terrain absolument nu.
    Les rares survivants qui s’étaient repliés sur Villeroy passaient la nuit dans les champs, et comptaient leurs pertes. La brigade marocaine avait eu 1 150 tués et 19 officiers. À lui seul le 2 e régiment avait perdu 347 des siens. Tous les officiers ayant couvert la retraite avaient été blessés, dont Alphonse Juin, lieutenant à la 2 e compagnie du bataillon Pellerin. « Nous aurions, conclut pudiquement le futur maréchal en narrant cet épisode, à nous réadapter [30] . »
    Le lendemain, la brigade devait poursuivre ses attaques, en dépit des pertes. Il est vrai que les Allemands de Gronau, aussi épuisés et meurtris que les Français, n’avaient pu poursuivre, et s’étaient retirés de dix kilomètres. Mais les renforts étaient en place, de part et d’autre. La division algérienne de Drude, avec ses zouaves et ses tirailleurs, devait soutenir de son artillerie le mouvement des deux divisions du général de Lamaze, qui comptait encore sur les Marocains exténués, décimés, pour enlever des positions difficiles, renforcées d’ennemis, comme s’ils n’avaient pas assez donné.
    Il fallait emporter Chambry, dont le cimetière regorgeait de tireurs allemands embusqués. On avait cette fois prévu un soutien d’artillerie. Mais les deux groupes de batterie se composaient d’« artilleurs inexpérimentés » qui se montrèrent incapables de soutenir l’assaut des Marocains. Les malheureux ne pouvaient guère compter que sur les canons légers d’une division de cavalerie.
    Von Kluck avait ordonné au 2 e corps allemand de repasser la Marne. Il mettait en batterie ses pièces lourdes de 150 qui pulvérisaient les 75, sans qu’ils puissent répondre, l’adversaire étant hors de portée. Dans ces conditions, les Marocains, nourris de betteraves et de lapins pris dans les fermes, étaient envoyés à une mort certaine, le 7 septembre. Les pieds-noirs de la 45 e division d’Alger, engagés non loin de là, étaient à leur tour massacrés. La charge du colonel du 2 e zouaves, Dubujadoux, à Etrépilly avait été héroïque et meurtrière, « au son du clairon ». Dubujadoux était mort en brave. Il n’était pas le seul.
    *
    Pendant que les pantalons rouges du général de Curières de Castelnau défendent Nancy et ceux de Sarrail Verdun, que ceux de Maunoury évacuent leurs blessés dans la région de l’Ourcq, tous les hommes valides

Weitere Kostenlose Bücher