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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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trouvé sur eux les objets volés. Naturellement les déserteurs français sont passés par les armes. Toutes les nuits le prévôt les poursuit dans la forêt.
    Barzini est témoin de l’exécution de l’un d’entre eux : « Il est mortellement pâle, mais calme. Ses petites moustaches blondes sont frisées avec soin. Il y a dans ce détail je ne sais quelle forfanterie. Il ne regarde personne. Le peloton l’entoure et s’éloigne. » Autour de la prévôté, « des gens arrivent et partent, entre des gendarmes ou entre des soldats. Ils ne disent rien, on ne sait ni leur provenance, ni leur destin. Certains ne vont pas loin ». Ainsi passe la justice militaire, pendant la retraite.
    *
    Il n’est pas question d’attendre le rassemblement d’une puissante force d’artillerie pour surprendre l’aile droite allemande dans son mouvement tournant. Il importe d’attaquer au plus tôt, avec les forces disponibles, sans souci des pertes.
    Cette consigne toujours implicite du commandement est sans cesse appliquée : les coloniaux en reçoivent l’ordre, dès le 5 septembre sur l’Ourcq, un jour avant l’attaque générale sur une ligne de deux cent cinquante kilomètres. Il s’agit d’ébranler et de désorganiser par un coup de boutoir imprévu l’armée de von Kluck, la plus exposée.
    Ainsi est engagé Péguy, dans le corps d’armée du général de Lamaze affecté à l’armée Maunoury. Pour lui, la retraite conduit directement à la mort. Deux divisions avancent vers les collines boisées qui dominent l’Ourcq. La barbe broussailleuse, l’œil en éveil derrière son lorgnon, celui que ses hommes appellent « le maître d’école » mange avec eux la dernière soupe, celle de Villeroy.
    Les obus allemands tirés des hauteurs de Monthyon et de Penchard éclatent avec rage. Pas le temps de finir le repas. Il faut se mettre à l’abri pour attaquer, le 5 septembre, sous le couvert d’une batterie de 75, qui aligne ses petits canons mobiles avec précipitation. Les biffins avancent au milieu des champs d’avoine fraîchement coupés. Ils se couchent bientôt « en carapace », sous la volée d’éclats des batteries allemandes non réduites au silence. L’ordre d’attaque arrive, après le départ des Marocains du général Ditte. Il faut enlever coûte que coûte la butte de Monthyon.
    À droite de la ligne, le capitaine Guérin et le lieutenant Péguy. Une grêle de balles de mitrailleuses. Impossible de tirer, sous peine de blesser ou de tuer les Marocains qui sont en tête. Les hommes tombent déjà par dizaines. Les Allemands sont invisibles, bien protégés par les fourrés. Pourtant, sous le feu des 75, ils se retirent. Péguy reçoit l’ordre de les poursuivre. Un champ de betteraves où glissent les godillots. Un premier bond de deux cents mètres. « Aller plus loin, dit Boudon, sur un terrain en pente déclinante où la grande visibilité de nos uniformes fait de nous de superbes cibles, avec à peine cent cinquante cartouches par homme, et dans l’impossibilité d’être ravitaillés, c’est une folie, un massacre certain et général. Nous n’arriverons pas dix. »
    Péguy ordonne aux hommes de se coucher. Le lieutenant de La Cornillière est tué. Un sous-officier accourt à son secours. Il est frappé à son tour. Péguy se dresse, pour ordonner le tir. Les hommes se plaignent de ne plus avoir leur sac pour se protéger.
    « Et moi non plus, je n’en ai pas ! » dit le lieutenant qui tombe mort, une balle en plein front, dans les « blés moissonnés » qu’il a si souvent chantés.
    Plus haut, les Marocains se font massacrer. Ils ont attaqué sans la moindre préparation d’artillerie, droit devant eux, dans leurs nouvelles tenues kaki. Ils étaient relativement dispos, ayant eu la chance d’être embarqués dans la gare de Montdidier pour Creil, puis en camions pour Senlis. De là, la brigade du général Ditte avait gagné le nord de Claye-Souilly. Dans la nuit du 4 au 5 septembre, elle s’était installée en position de combat dans la zone de Mitry-Mory. Elle avait ordre d’attaquer le lendemain en direction de Château-Thierry. Les avant-gardes étaient arrivées à Villeroy avant le régiment de Péguy. Dans les champs de blé moissonnés, les Marocains se préparaient à prendre d’assaut les collines de Monthyon et Penchard qui dominaient le champ de bataille et pouvaient abriter de précieux observatoires d’artillerie.
    Justement le

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