Les Poilus (La France sacrifiée)
passent à l’attaque générale du 6 septembre, sur un front de 250 kilomètres, y compris les fantassins de l’armée Lanrezac, qui, depuis le 15 août, ont parcouru à pied 650 kilomètres de Mézières à Reims par Charleroi, Guise, Laon et Montmirail.
Les Allemands ne sont pas plus frais. Seules les armées de l’Est ont la force d’attaquer, avec les renforts envoyés à l’extrême ouest pour déborder l’armée Maunoury. Ce double mouvement échoue les 6 et 7 septembre. Dès lors, le 8, l’état-major allemand décide de frapper au centre, tenu par la IX e armée nouvellement constituée et commandée par Foch, soutenu sur sa gauche par Franchet d’Esperey et les braves gens de l’armée Lanrezac, épuisés.
Le point crucial de la défense de Foch, qui tient les marais de Saint-Gond, est le château de Mondement. On a éteint le phare installé dans sa plus haute tour, qui guidait les voyageurs égarés dans la nuit et pataugeant dans les marais. Les troupes marocaines de recrutement français du général Humbert attendent l’assaut, couvertes par les canons de 75 détachés de la 42 e division de Grossetti qui tarde à entrer en ligne, mais a délégué au premier rang son artillerie. Des captures de prisonniers annoncent à Foch qu’il a devant lui les régiments de la garde et le 77 e d’infanterie prussienne, ainsi que les Hanovriens. Des soldats d’élite, bien pourvus d’artillerie. Déjà la garde s’infiltre dans les tourbières, pour préparer l’assaut du château.
Les Marocains ont percé des meurtrières dans les murailles. Ils sont accablés par le tir de l’artillerie lourde. Au matin du 9 septembre, les guetteurs exténués par le matraquage voient avancer vers eux les profondes lignes sombres de la Garde prussienne, sac au dos. Le château est bientôt pris d’assaut. Les Allemands s’y retranchent, évacuant les nombreux morts français. Ils braquent des mitrailleuses à tous les étages, installent du canon dans le parc où s’amoncellent les corps des tirailleurs et des zouaves.
Foch réunit six batteries commandées par un expert du 75, le colonel Boichut, de la 52 e division de réserve. Ce briscard ordonne aux artilleurs de « déboucher à zéro », de tirer de plein fouet, « au lapin ». Les avant-trains restent attelés. Les déboucheurs s’activent. La batterie tire ses salves et part aussitôt au galop sur une nouvelle position, pour ne pas être accablée, une fois repérée, par les tirs des canons lourds allemands. Deux heures de tir chauffent les tubes au rouge. Les Allemands ne peuvent plus progresser. Leurs fantassins sont hachés par les redoutables éclats, pris de plein fouet par les salves tirées en direct, à vue. Ils s’enterrent.
Le 77 e d’infanterie ne peut manger la soupe ce jour-là. Les soldats de Cholet, déjà très éprouvés en Lorraine, mettent sac au dos sur la place de Saint-Loup. Ils courent à travers champs pour aller plus vite, prennent les Allemands de flanc, dégagent le plateau devant le château de Mondement. Le colonel Lestoquoi reçoit l’ordre de s’en emparer. Un tir nourri de 75 précède la charge. En tête, le commandant de Beaufort met ses gants blancs, avec calme. Ses Vendéens des Mauges, quand il a levé sa canne, partent en courant : « Une charge en masse profonde », commente le soldat Élie Chamard, qui court au son du clairon. Un obus de 75 a fait une brèche dans le mur du parc. « C’est à moi d’y aller », dit l’adjudant Parpaillon, devançant ses soldats. Il tombe aussitôt. Les mitrailleuses allemandes tirent à bout portant. Le capitaine de Secondat-Montesquieu meurt l’épée à la main, comme sous Louis XV à Fontenoy. Le commandant de Beaufort a disparu. Ses hommes le cherchent. Il est mort. Un zouave a réussi à franchir les grilles. Il s’embusque, d’autres les rejoignent, ils tirent sur toutes les têtes aux fenêtres. Mais les mitrailleuses massacrent les assaillants.
Deux pièces de 75 sont poussées à bras jusqu’à 350 mètres des grilles. Trois compagnies s’élancent, alors que la nuit tombe. Lestoquoi reçoit l’ordre d’arrêter l’assaut, en raison des pertes. Trop tard, les hommes sont partis ! Lestoquoi court en tête, suivi par les officiers survivants. Il faut emporter l’église, la ferme, le château enfin. Les Vendéens défoncent la porte à coups de crosse. Les Allemands ont partiellement évacué la forteresse. L’ordre de retraite vient de
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