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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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leur parvenir. Sur le plateau, les artilleurs en batterie avaient déclaveté les pièces, se croyant cernés par l’ennemi. Ils sont surpris de n’être pas assaillis. « Les Allemands sont en retraite », leur lancent les servants d’une autre batterie qui passe au galop. Le phare de Mondement se rallume. Il éclaire les milliers de cadavres qui gisent autour du château. Le centre de Foch a tenu. Par le sacrifice des Vendéens de Lestoquoi.
    Il faudrait poursuivre. Mais les cavaliers n’ont plus de fers à leurs chevaux. Peut-on encore compter sur la cavalerie, dans une bataille aussi meurtrière ? L’état-major a épuisé le corps de Sordet par une série de marches et de contremarches inefficaces au début de la campagne. Il a perdu la moitié de ses montures. Les débris du corps ont formé une seule division, dite « provisoire », confiée au général Bridoux qui sera tué quelques jours plus tard. Les cavaliers ont été engagés dans la bataille, intégrés au dispositif comme des fantassins. Voilà qu’on leur demande de remonter à cheval et d’opérer la percée de la victoire.
    Ils souffrent pour leurs montures, dont le dos est écorché par la selle. Un escadron de dragons (le 16 e , de Reims) commandé par le lieutenant de Gironde s’est aventuré à l’arrière des lignes ennemies. Prélevé sur la division Bridoux, il accusait une très grande lassitude. Il réussit pourtant le premier exploit cavalier de la guerre, un raid contre un camp d’aviation de campagne où il détruit huit aviatiks [31] . La mission des dragons était seulement de « faire entendre le canon sur la rive gauche de l’Ourcq », le 8 septembre.
    Les chevaux qui s’appelaient Condor, Gouverneur, Pâquerette ou Freluquet sont tous ou presque morts d’épuisement, après une aventure qui devait réduire l’effectif de cent hommes à une poignée. Progressant dans les lignes allemandes, franchissant les rivières à gué, revêtant au besoin des vêtements civils pour échapper à la capture, les dragons exténués marchaient devant leurs montures qui dormaient debout, l’encolure basse, le museau à terre.
    Ils avaient chargé à la lance le personnel de l’escadrille, détruit les appareils à coups de hache et de scie. Pris par le feu d’une mitrailleuse, l’escadron avait été décimé, Gironde blessé à mort. Kerillis, son adjoint, ne devait se sauver qu’en se cachant dans la cave d’une ferme, grièvement blessé.
    L’escadron aurait sa page de gloire dans les annales de la cavalerie. À l’état-major, on ignorait tout de son exploit, et même de sa disparition. Sa mission de sacrifice était perdue dans l’océan de la bataille.
    *
    Autres sacrifiés, les fusiliers marins et les Sénégalais de Dixmude. Après la victoire de la Marne, le front se fixe sur l’Aisne, c’en est fini des marches harassantes des pantalons rouges. Du moins pour ceux qui commencent à creuser des tranchées, comme Marc Bloch. Car les autres sont précipitamment envoyés à l’ouest du dispositif français, pour tourner le front allemand désormais installé, prendre l’ennemi à revers. Cette « course à la mer » se solde par des batailles sanglantes devant Arras et Amiens, et par un affrontement décisif dans les Flandres. Anvers vient d’être pris le 9 octobre. Il s’agit de tenir à Dixmude.
    Churchill avait dépêché 2 000 marins pour défendre Anvers. Joffre décide l’amiral Ronarc’h, qui tient garnison à Paris, à expédier sa brigade de pompons rouges à Dunkerque, pour se joindre aux Anglais et aux Belges qui veulent à tout prix reprendre Anvers. Il ne s’agit pas d’attaquer, juge aussitôt arrivé le Breton héroïque, personnage de légende, mais de se défendre : le 19 octobre, les Allemands sont sur le canal de l’Yser.
    Ils devaient y laisser leurs meilleurs régiments. Pour le 16 e régiment d’infanterie de réserve retiré du front entre le 1 er et le 4 novembre, deux bataillons étaient réduits à 500 hommes, quatre officiers restaient valides sur vingt-cinq. Le colonel du régiment, Engheland, revenu au front avec les débris de son unité, avait été sauvé de la mort par ses deux ordonnances, Bechman et Hitler [32] . Ce régiment de 3 500 hommes n’aurait que 600 survivants après les batailles de l’Yser.
    Contre l’avance allemande, le commandement français est pris de court car il manque d’unités disponibles. La première troupe venue qui lui tombe sous la

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