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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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chez. Louis, obscurcissait
vite le jugement. Au lieu de nier, simplement, et de hausser les épaules comme
devant une supposition absurde et offensante, il répliqua :
    — Et quand cela serait ?
Vous seriez la dernière à avoir le droit de m’en faire reproche. Ce serait
plutôt à votre grand-mère qu’il faudrait vous en prendre !
    — À ma grand-mère ?
murmura Clémence. Quelle part ma grand-mère a-t-elle en ceci ?
    Le Hutin sut aussitôt qu’il venait
de commettre une sottise, ce qui ne fit qu’accroître sa fureur. Il était trop
tard pour revenir en arrière.
    — Assurément, c’est la faute de
Madame de Hongrie ! Elle exigeait que votre mariage se fît avant l’été.
Alors, j’ai souhaité… vous entendez bien, j’ai seulement souhaité… que
Marguerite fût morte avant ce temps-là. Et j’ai été entendu, voilà tout. Si je
n’avais pas exprimé ce souhait, vous ne seriez pas aujourd’hui reine de France.
Ne faites donc point tellement l’innocente et ne venez pas me jeter blâme de ce
qui vous arrange si bien et vous a mise plus haut que tout votre parentage.
    — Jamais je n’aurais accepté,
s’écria Clémence, si j’avais su que ce fût à un tel prix. C’est à cause de ce
crime, Louis, que Dieu ne nous donne pas d’enfant !
    Louis fit un demi-tour sur lui-même
et s’immobilisa, ébahi.
    — Oui, de ce crime, et des
autres aussi que vous avez commis, continua la reine en se levant du prie-Dieu.
Vous avez fait assassiner votre épouse. Vous avez fait pendre messire de
Marigny. Vous maintenez en geôle les légistes de votre père. Vous avez fait
tourmenter vos propres serviteurs. Vous avez attenté à la vie et à la liberté
des créatures de Dieu. Et c’est pourquoi, maintenant, Dieu vous punit en vous
empêchant d’engendrer de nouvelles créatures.
    Louis, plein de stupeur, la
regardait s’avancer. Ainsi, il existait une troisième personne pour ne pas
s’émouvoir de ses emportements, briser ses fureurs et prendre le pas sur lui.
Son père, Philippe le Bel, l’avait dominé par l’autorité souveraine ; son
frère, le comte de Poitiers, le dominait par l’intelligence ; et voici que
sa nouvelle épouse le dominait par la foi. Jamais il n’aurait pu imaginer que
son justicier se présenterait à lui, dans la chambre nuptiale, et sous les
apparences de cette femme si belle, dont les cheveux frémissaient pareils à une
blonde comète.
    Le visage de Louis se fripa ; il
ressembla à un enfant qui va pleurer.
    — Et que voulez-vous que je
fasse, maintenant ? demanda-t-il d’une voix aiguë. Je ne puis ressusciter
les morts. Vous ne savez pas ce que c’est que d’être roi ! Rien ne s’est
fait absolument par mon vouloir, et c’est moi que vous rendez coupable de tout.
Que voulez-vous obtenir ? À quoi sert de me reprocher ce qui ne se peut
réparer ? Séparez-vous donc de moi, retournez à Naples, si vous ne pouvez
plus tolérer ma vue. Et attendez qu’il y ait un pape pour lui demander de
défaire notre lien !… Ah ! ce pape ! ce pape ! ajouta-t-il
en serrant les poings. Rien de cela ne serait arrivé s’il y avait eu un pape.
    Clémence lui posa les mains sur les
épaules. Elle était un peu plus grande que lui.
    — Je ne saurais songer à me
séparer de vous, dit-elle. Je suis votre épouse pour partager en tout votre
condition, et vos misères comme vos joies. Ce que je veux, c’est sauver votre
âme, et vous inspirer le repentir, sans lequel il n’est point de pardon.
    Il la regarda dans les yeux, n’y vit
que bonté et grand effort de compassion. Il respira mieux et l’attira contre
lui.
    — Ma mie, ma mie, vous êtes
meilleure que moi, ô combien meilleure ! Je ne pourrais vivre sans vous.
Je vous promets de m’amender et de bien regretter le mal que j’ai pu causer.
    En même temps, il avait enfoui la
tête au creux de l’épaule de Clémence et lui effleurait des lèvres la naissance
du cou.
    — Ah ! ma mie,
continuait-il, que vous êtes bonne, que vous êtes bonne à aimer ! Je serai
tel, je vous le promets, je serai tel que vous le voulez. Certes, j’ai des
remords, et qui me causent souvent de grandes frayeurs ! Je n’oublie bien
qu’entre vos bras. Venez, ma mie, venez que nous nous aimions.
    Il cherchait à l’entraîner vers le
lit ; mais elle demeurait immobile, et il la sentit se crisper, refuser.
    — Non, Louis, non, dit-elle
très bas. Il nous faut faire pénitence.
    — Mais nous ferons

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