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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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nerveuse qu’il
n’y paraissait car, dès lors, l’approche de son époux lui causa d’intolérables
douleurs, qu’elle ne parvenait pas toujours à taire, et qui parfois la
rendaient incapable d’accepter l’hommage royal, non par volonté, mais par
intolérance du corps. Elle s’en attristait sincèrement, s’en excusait, faisait
effort, mais en vain, pour assouvir les ardeurs insistantes de Louis.
    — Je vous assure, mon doux
sire, je vous assure, lui disait-elle, qu’il nous faut aller en pèlerinage, je
ne pourrai point avant.
    — Eh bien, nous irons, ma mie,
nous irons bientôt, et aussi loin qu’il vous plaira, et la corde au cou si vous
le voulez ; mais laissez-moi d’abord régler les affaires d’Artois.
     

VI

L’ARBITRAGE
    Deux jours avant la Noël, dans la
plus grande salle du manoir de Vincennes, aménagée pour l’occasion en chambre
de justice, pairs, seigneurs et légistes, assis sur des bancs couverts de
tapis, attendaient le roi.
    Une délégation des barons d’Artois,
ayant à sa tête Gérard Kiérez et Jean de Fiennes, ainsi que les inséparables
Souastre et Caumont, était arrivée du matin. Il semblait que tout fût arrangé.
Les émissaires du roi avaient multiplié les démarches entre les
adversaires ; le comte de Poitiers avait inspiré des solutions de sagesse
et conseillé à sa belle-mère de céder sur plusieurs points afin de ramener la paix
dans ses États.
    Obéissant aux instructions du roi, à
vrai dire assez vagues mais généreuses quant aux intentions : « Je ne
veux plus de sang versé ; je ne veux plus de gens injustement maintenus en
cachot ; je veux qu’il soit rendu à chacun selon son droit et que la bonne
entente et l’amitié règnent partout…». Le chancelier Etienne de Mornay avait
rédigé une longue sentence dont le Hutin, lorsqu’on la lui présenta, se sentit
infiniment fier, comme s’il en avait dicté personnellement tous les articles.
    Dans le même temps, Louis X
faisait libérer Raoul de Presles, et six autres conseillers de son père qui
croupissaient en prison depuis le mois d’avril. Ce mouvement de mansuétude
générale l’avait également amené à gracier, en dépit de l’opposition de Charles
de Valois, la femme et le fils d’Enguerrand de Marigny, gardés en geôle
jusque-là.
    Un tel changement d’attitude
surprenait la cour. Le roi n’était-il pas allé jusqu’à recevoir Louis de
Marigny, en présence de la reine et de plusieurs dignitaires ? L’embrassant,
il lui avait déclaré :
    — Mon filleul, le passé est
oublié.
    Le Hutin employait maintenant cette
formule à tout propos, comme s’il voulait se persuader, et persuader aux
autres, qu’une nouvelle phase de son règne avait commencé.
    Il se sentait particulièrement bonne
conscience, ce matin-là, tandis qu’on lui mettait sa couronne et qu’on lui
posait sur les épaules le grand manteau orné de fleurs de lis.
    Mathieu de Trye lui tendit la main
de justice, d’or et aux deux doigts levés.
    — Comme elle est pesante !
dit Louis. Elle m’avait parut telle, déjà, le jour du sacre.
    — Sire, recevrez-vous d’abord
maître Martin, qui vient d’arriver de Paris, ou bien le verrez-vous après le
Conseil ? demanda le grand chambellan.
    — Maître Martin est là ?
s’écria Louis. Je veux le voir céans. Qu’on me laisse avec lui.
    Le personnage qui entra était un
homme d’une cinquantaine d’années, d’assez forte corpulence, au teint très brun
et aux yeux rêveurs. Bien qu’il fût vêtu fort simplement, presque comme un
moine, il avait, dans toute sa tournure, dans ses gestes à la fois onctueux et
assurés, dans sa façon de replier son manteau au creux du bras et de s’incliner
en saluant, quelque chose d’oriental. Maître Martin, en sa jeunesse, avait
beaucoup voyagé et poussé jusqu’aux rivages de Chypre, de Constantinople et
d’Alexandrie. On n’était pas absolument certain qu’il eût porté toujours ce nom
de Martin sous lequel on le connaissait.
    — Avez-vous éclairé les
questions que je vous ai posées ? lui dit d’emblée le Hutin.
    — Je l’ai fait, Sire, je l’ai
fait, avec grand honneur d’être consulté par vous.
    — Alors, dites-moi le vrai,
même s’il doit être mauvais ; je ne crains pas de l’entendre.
    Un astrologue tel que maître Martin
savait ce qu’il fallait penser de pareil préambule, surtout venant d’un roi.
    — Sire, répondit-il, notre
science n’est pas

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