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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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héritier …»
    « Si l’on se plaint de la
comtesse, lisait Étienne de Mornay, le roi fera examiner par des enquêteurs si
la plainte est fondée et, dans ce cas, si la comtesse refuse justice, le roi la
contraindra D’autre part, la comtesse devra, pour les amendes qu’elle réclame,
en déclarer le montant pour chaque délit. La comtesse devra rendre aux
seigneurs les terres qu’elle détient sans jugement…»
    Mahaut commençait à s’agiter ;
mais les quatre frères d’Hirson, autour d’elle, le chancelier, le trésorier, le
panetier, le bailli, la calmèrent.
    — Il n’a jamais été question de
ceci à l’entrevue de Compiègne ! disait Mahaut. C’est un mauvais ajout.
    — Il vaut mieux perdre un peu
que tout perdre, lui souffla Denis.
    Le souvenir de la promenade qu’il
avait faite, enchaîné, le jour de la décapitation du sergent Cornillot,
l’incitait au compromis.
    Mahaut retroussa ses manches et
continua d’écouter, contenant sa colère.
    La lecture durait depuis près d’un
quart d’heure quand un frémissement d’intérêt passa sur la salle ; Mornay
abordait le passage relatif à Thierry d’Hirson. Tous les regards se tournèrent
vers le chancelier de Mahaut et vers ses frères.
    — «… En ce qui concerne maître
Thierry d’Hirson dont les alliés ont réclamé qu’il fût mis en jugement, le roi
décide que les accusations devront être portées devant l’évêque de Thérouanne,
dont maître Thierry dépend ; mais il ne pourra aller en Artois présenter
sa défense pour ce que ledit maître Thierry est moult haï au pays. Ses frères,
sœurs et neveux n’y pourront point aller non plus tant que le jugement n’aura
pas été rendu par l’évêque de Thérouanne et certifié par le roi…»
    Dès ce moment, les d’Hirson
abandonnèrent l’attitude conciliante qu’ils avaient observée jusque-là.
    — Voyez votre neveu, Madame,
voyez comme il triomphe ! dit Pierre, le bailli d’Arras.
    Robert d’Artois, en effet,
échangeait des sourires avec ses cousins Valois.
    — Tout n’est pas dit, mes amis,
tout n’est pas dit ! murmura Mahaut, les mâchoires serrées. Vous ai-je
jamais abandonné, Thierry ?
    Quand la lecture de la sentence
d’arbitrage fut terminée, l’évêque de Soissons, qui avait participé aux
négociations, s’avança. Il tenait un Évangile qu’il alla présenter aux
alliés ; ceux-ci se levèrent tous ensemble et tendirent la main droite,
tandis que Gérard Kiérez, en leur nom, jurait qu’ils respecteraient
scrupuleusement l’arbitrage du roi. Puis l’évêque se dirigea vers Mahaut.
    La pensée de Louis X, dans ce
moment-là, voyageait sur les routes. « Pour ce pèlerinage d’Amiens, nous
le ferons à pied, pendant les dernières lieues. Quant au reste, nous irons en
char. Il nous faudra de bonnes bottes fourrées… Et puis j’emmènerai mes queux
et mes sauciers, puisque je dois me défier des venins… Espérons que Clémence
sera délivrée de ces douleurs qui la gênent pour l’amour…» Il rêvait, tout en
contemplant les doigts d’or de la main de justice, quand soudain il entendit
Mahaut prononcer d’une voix forte :
    — Je refuse de jurer ; je
ne scellerai point cette méchante sentence !
    Un grand silence tomba sur
l’assemblée. L’audace de ce refus, lancé à la face du souverain, effrayait. On
se demandait quelle sanction terrible allait tomber de la bouche royale.
    — Que se passe-t-il ? dit
Louis en se penchant vers son chancelier. Pourquoi refuse-t-elle ? Cet
arbitrage pourtant me semblait bien rendu.
    Il regardait les assistants, l’air
absent et plus surpris que contrarié. Robert d’Artois alors se leva et lança de
sa voix de bataille :
    — Sire mon cousin, allez-vous
accepter qu’on vous brave et qu’on vous soufflette au visage ? Nous, vos
parents et vos conseillers, ne le supporterons point. Voyez le gré qu’on vous a
d’user de mansuétude ! Vous savez que, pour ma part, j’étais opposé à
toute amiable convention avec Madame Mahaut, dont j’ai honte qu’elle soit de
mon sang ; car toute bienveillance qu’on lui accorde ne l’encourage qu’à
plus de vilenie. Me croira-t-on enfin, Messeigneurs, continua-t-il en prenant à
témoin l’assemblée, me croira-t-on quand je dis, quand j’affirme, et depuis
tant d’années, que j’ai été frustré, trahi, volé par ce monstre femelle qui n’a
respect ni pour le pouvoir du roi ni pour le pouvoir de Dieu !

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