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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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ici, à Montréal, dans les années de la crise. Il était venu jusqu’au
     port, un homme se dirigeait vers Le Patro , un homme roux, lui
     ressemblant, un homme roux… âgé, aux traits semblables aux siens. Lentement, il
     remonta les marches. À l’entrée de la chambre, il chercha le courage de lever
     les yeux sur le cadavre qu’il s’était refusé, jusqu’ici, de bien regarder. Henry
     tenait dans ses mains une enveloppe qu’il venait de sortir d’une boîte.
    — T’avais raison Isabelle, voici un testament au nom de Patrick O’Connor.
    — C’est lui, confirma Pierre.
    François-Xavier ferma les yeux, le visage perdant toute couleur. Se méprenant
     sur les raisons de ce malaise, Isabelle vint le prendre par le bras.
    — Venez, monsieur Rousseau, on va aller en bas. Pierre va rester veiller le
     corps avec Henry.
    Pauvre homme, se dit l’infirmière. Il n’est pas toujours évident de voir la
     mort en face, même celle d’un pur inconnu.

    Avec émotion, Pierre se tourna vers le petit groupe d’hommes
     qui, solennellement, attendait qu’il prenne la parole. Après les funérailles,
     retournant à la terre ce qui va à la terre, ils s’étaient naturellement
     regroupés au Patro . En silence, Pierre leur avait servi une bière. Parmi
     eux, il y avait Clodo qui avait perdu un confident ; les loups de mer, un
     partenaire de carte. Henry et son père se tenaient en retrait. Ces deux derniers
     avaient été d’un grand soutien ces derniers jours.
    — Levons notre verre en l’honneur de Patrick O’ Connor, dit-il.
    — Que Dieu ait son âme, dit l’un des trois loups de mer.
    Pierre but une seule gorgée, s’empêchant de grimacer. La bière devait rimer
     avec réjouissance. En boire après l’enterrement de son ancien patron lui
     laissait un goût amer. Pierre se racla la gorge.
    — Patrick O’Connor a été plus qu’un patron pour moi, commença-t-il, ému. Il m’a
     parlé de l’Irlande pis de la Gaspésie qu’il aimait tant.
    Il se tut. L’Irlandais lui avait fait don de La Joséphine . Abasourdi,
     Pierre avait fait répéter l’avoué qui lisait le testament. Mais il n’avait pas
     envie d’en parler aujourd’hui. Son patron avait bien préparé son départ. Il ne
     roulait pas sur l’or, mais avait bien su gérer Le Patro . Les trois loups
     de mer étaient au courant que l’établissement leur reviendrait. Les nouveaux
     associés attendirent que Pierre finisse de parler.
    — Oui, c’était pas juste un patron. Pour Clodo, il a été une moyenne bonne
     oreille… Pour vous trois, un partenaire de cartes pis un ami…
    — Ouais, un ami, un vrai…
    — Pour moi, il a été comme un grand-père…
    Les larmes aux yeux, Pierre regarda la pièce autour de lui. La grosse horloge,
     le jeu de dards… Au fond, près de la porte extérieure, son père se tenait
     immobile, les mains dans les poches,une expression
     indéfinissable sur le visage. Pierre se rendit compte qu’il ne s’était guère
     soucié des membres de sa famille depuis leur arrivée à Montréal. Il ne savait
     même pas comment s’était passée l’entrée de Léo à l’institution ! Il avait vécu
     ces dernières heures centré sur son chagrin. Son père et lui avaient à peine eu
     le temps de discuter. Pierre lui avait seulement signifié qu’il comptait revenir
     à Saint-Ambroise. Les trois loups de mer auraient bien aimé le garder à leur
     service, mais le cœur n’y était plus. Le Patro sans son patron n’offrait
     plus rien à Pierre. Il leur avait vendu sa voiture pour presque rien et avait
     fait ses bagages, n’emportant avec lui qu’une adresse en Gaspésie où l’attendait La Joséphine , pour le jour où cela lui tenterait d’en prendre
     possession.

    François-Xavier accusa le coup. Prenant sur lui, il réussit à cacher ses
     émotions. Son fils disait qu’il pleurait un grand-père… François-Xavier ne
     pouvait s’empêcher de croire que ces larmes revenaient à Ernest Rousseau, celui
     qui l’avait choisi à l’orphelinat, celui parti trop tôt, et non pas à cet
     Irlandais qui n’avait pas eu le courage de tenir tête à un vieillard entêté et
     qui avait abandonné une pauvre jeune fille enceinte… À Saint-Ambroise, si
     souvent, il avait rêvé de retrouver ce père inconnu, mais aujourd’hui, il aurait
     préféré ne jamais avoir eu connaissance de son existence. C’était
     contradictoire… Il était trop difficile

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